Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/540

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vulnérables, la supériorité du nombre de navires de combat disparaîtrait, et que la nation qui aurait le plus à redouter une guerre maritime serait celle qui posséderait le plus grand commerce sur les mers, car elle serait impuissante à détruire les croiseurs ennemis, et par conséquent à protéger ses intérêts les plus chers. »

Ainsi, l’invulnérabilité des batteries flottantes, en s’étendant aux bâtiments de haute mer, allait subitement renverser l’ordre de suprématie réglé entre les nations par l’importance de leurs anciens navires.

Des expériences suivies furent faites, à Vincennes, pour déterminer l’espèce de fer, les procédés de forgeage et l’épaisseur de métal qu’il convenait d’adopter, pour fabriquer des plaques de blindage suffisamment résistantes. L’Empereur participa lui-même à ces expériences, et l’on comprend tout l’intérêt qu’il devait apporter à ces recherches, lui, l’inventeur et le promoteur des batteries flottantes cuirassées ! L’un de ses aides de camp, le général Favé, assista à tous les essais qui furent faits à Vincennes, pour apprécier la résistance des différentes qualités des plaques de fer.

L’épreuve consistait à tirer, par salve, à 20 mètres de distance, et perpendiculairement, contre la plaque-échantillon, fixée sur un panneau de bois, qui représentait une muraille un peu plus faible que celle des frégates projetées. Les canons employés pour ce tir, étaient au nombre de trois, dont un de 50 du modèle français, et deux de 68 du plus fort modèle anglais alors existant. Ces canons étaient à âme lisse, c’est-à-dire non rayés, et tiraient des boulets sphériques et massifs, parce qu’on s’était convaincu que les boulets ogivo-cylindriques des canons rayés, excellents pour porter loin et juste et pour pénétrer à une grande profondeur dans le bois, avaient de près bien moins de puissance de choc que les boulets pleins et ronds tirés à forte charge dans des canons à âme lisse. Ces pièces tirèrent donc à la charge de poudre maximum pour lesquelles elles sont construites, à savoir 16 livres de poudre pour le canon français de 50, et 17 livres pour les canons anglais de 68.

Ce fut un échantillon des plaques forgées par MM. Petin et Gaudet, qui supporta le mieux l’épreuve de cette puissante artillerie. Les trois coups de canon tirés par salve, partirent avec une telle simultanéité qu’on n’entendit qu’une seule décharge.

L’Empereur assistait à l’expérience. S’approchant aussitôt de la plaque qui venait de subir cette épreuve redoutable, il la trouva chaude encore de ce choc terrible, mais sans crevasse ni fente, inébranlable sur sa muraille de bois et portant seulement l’empreinte profonde des trois boulets !

Fig. 393. — Mode d’application de la cuirasse sur la carcasse d’un navire de bois.

La question était jugée. Les plaques forgées par MM. Petin et Gaudet, servirent à cuirasser nos frégates.

L’épaisseur à donner à la cuirasse fut alors fixée à 0m,12. Aussitôt M. Dupuy de Lôme