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LES
BÂTIMENTS CUIRASSÉS

L’invention des bâtiments cuirassés a révolutionné de nos jours, l’art de la guerre maritime, et imprimé un élan tout nouveau à l’industrie métallurgique. Par la grandeur du spectacle qu’elle étale à nos yeux, elle donne la plus haute idée de la puissance matérielle et du génie de l’homme, et se présente comme un de ces événements de premier ordre, qui font époque dans l’histoire, et changent les destinées des nations.

Le revêtement des navires de guerre d’une lourde cuirasse de fer, impénétrable aux projectiles ennemis, a été la conséquence nécessaire des perfectionnements qui avaient été apportés à l’artillerie pendant notre siècle, en particulier, de l’usage devenu général des obus ou projectiles creux incendiaires. Avec les obusiers perfectionnés, qui lancent d’une manière si précise leurs boulets explosifs, les anciens navires de guerre en bois n’étaient plus qu’une illusion. Le premier engagement sérieux les condamnait à une destruction certaine et rapide.

À peine la France, mettant en pratique les idées émises par Paixhans en 1822, avait-elle établi à bord de ses navires, les canons-obusiers, comme nous l’avons raconté dans la Notice sur l’Artillerie, que les Anglais armaient leurs vaisseaux de pièces semblables, qui forment aujourd’hui leurs canons-obusiers dits de 68, du calibre de 20 centimètres. Les Russes les imitèrent. Enfin les Dalgreens et les Colombiades des Américains, ne furent que des variétés du modèle de nos canons à la Paixhans.

En 1853, les Russes donnèrent à Sinope, une cruelle et sanglante démonstration de la puissance de ces nouveaux engins de guerre. La flotte turque, réfugiée dans ce port, fut, en quelques heures, écrasée, dépecée, incendiée impunément et à grande distance, par les bombes russes, vomies par des obusiers à la Paixhans.

Le canon rayé de 16 centimètres, qui fut adapté à nos vaisseaux de guerre en 1859, rendit plus sensible encore l’état de faiblesse relative des murailles de bois des navires. D’un autre côté, la direction constante de l’axe de l’obus ogivo-cylindrique, a permis de rendre certaine l’action des obus munis de fusées percutantes lancées par les canons rayés, et qui éclatent lorsqu’elles frappent un obstacle en le pénétrant.

Il résultait de tout cela qu’avec les moyens dont ils pouvaient désormais disposer, deux vaisseaux de guerre bien armés, montés par