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coups du revolver ou le coup central, la tête D est articulée ; elle porte une petite crête à charnière, au moyen de laquelle on peut lui donner la position convenable pour frapper l’une ou l’autre des deux cheminées.

Le pistolet Le Mat a rendu des services dans la dernière guerre d’Amérique, et, selon toutes probabilités, il y aurait avantage à en doter la cavalerie et les troupes de marine des autres nations.

En effet, le revolver n’a guère été, jusqu’à présent, qu’une arme de défense personnelle ; on ne lui a pas trouvé les qualités convenables pour lui faire prendre rang parmi les armes de guerre. Il figure en Amérique comme arme du soldat ; mais comme en ce pays, chaque citoyen prend les armes à l’occasion, il n’est pas facile d’indiquer la ligne de démarcation du service militaire, et de dire si le revolver est l’arme du particulier ou celle du soldat.

En France, le revolver Lefaucheux a été adopté pour la marine ; mais on n’a pas cru devoir en étendre l’usage à la cavalerie, qui ne possède encore aujourd’hui que le vieux pistolet d’arçon, arme tout à fait insuffisante, pour ne pas dire inutile. L’invention de M. Le Mat permettra peut-être de combler cette lacune.

On trouve dans le commerce, quoiqu’en petit nombre, des fusils et des carabines-revolvers des divers systèmes que nous avons énumérés. Mais ces armes, à cinq ou six coups tout au plus, sont bien distancées par celle dont nous allons parler.

Le 18 février 1861, nous assistâmes dans l’ancien tir Gastine, à l’essai d’une nouvelle carabine donnant ce prodigieux résultat, de tirer jusqu’à cinquante coups dans une minute. La justesse du tir n’est nullement compromise par cette inconcevable rapidité de succession des décharges, car dans les essais dont nous avons été témoin, une cible placée à cent mètres de distance, fut atteinte par presque toutes les balles. L’inventeur de cette arme nouvelle est un de nos compatriotes, M. Jarre, armurier, et fils de maître, comme on disait dans les corporations.

On a quelque peine à concevoir a priori le résultat que nous venons d’énoncer quant à la rapidité du tir. Une courte explication du mécanisme de cette arme va le faire comprendre.

Dans le revolver actuel, les tubes porte-cartouches sont disposés, comme nous l’avons expliqué, autour d’un cylindre qui tourne sur son axe et viennent successivement s’adapter à un même canon. Ces tubes ne peuvent guère dépasser le nombre de cinq ou six, car au delà de ce nombre le cylindre aurait de trop grandes dimensions et rendrait l’arme peu portative ; le revolver est ainsi limité à cinq ou six coups. M. Jarre a eu l’heureuse idée de disposer les tubes porte-cartouches sur une barre horizontale, et en même temps de séparer cette barre du canon.

Quand on veut tirer, on prend une de ces barres, préalablement armée de ses cartouches, et on la place en travers de la culasse, c’est-à-dire en croix avec le canon. Après chaque coup tiré, et par le mécanisme ordinaire du revolver, la barre chargée de cartouches avance d’un cran, et vient présenter une nouvelle capsule à l’abatage du chien. Cette barre étant déchargée, on la remplace par une nouvelle toute semblable. Comme chaque barre porte dix cartouches, et que l’on peut tirer facilement cinq de ces barres dans une minute, on voit que la carabine Jarre peut, comme nous le disions, tirer jusqu’à cinquante coups par minute.

Nous n’avons pas vu qu’on ait, jusqu’à présent, songé à tirer parti de l’arme inventée par M. Jarre ; nous avons cependant cru devoir en faire mention ici, à cause de l’originalité de la conception et de l’étrangeté presque paradoxale du résultat.

Nous terminerons la description des armes à feu portatives en parlant des mitrail-