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marquable. L’épreuve décisive des fusils se chargeant par la culasse, a même été faite par les Américains avant les Prussiens, dans la longue guerre, dite de Sécession, qui divisa le Nord et le Sud, en 1862.

Nous n’avons pas l’intention d’examiner successivement les divers systèmes imaginés de l’autre côté de l’Atlantique ; nous ne signalerons que par leur nom, les fusils se chargeant par la culasse, inventés par Peabody, Remington, Howard, etc., armes qui jouissent aux États-Unis, d’une réputation méritée.

Après avoir passé en revue les armes portatives les plus remarquables construites sur le principe du chargement par la culasse, il nous reste à examiner, d’une manière générale, les avantages et les inconvénients de ce système, ainsi que l’ensemble de conditions auxquelles il doit satisfaire pour donner de bons résultats.

Voici les principaux avantages que présentent les armes de guerre qui se chargent par la culasse.

Elles rendent inutile la baguette, qui est trop souvent pour le tireur, une cause d’embarras. — Le chargement est prompt et facile, même pendant la nuit ; il peut s’effectuer sans bruit et dans toute position, le soldat étant couché ou à genoux, abrité derrière un obstacle quelconque. — La promptitude de la charge et la rapidité du tir qui en résulte, augmentent, en quelque sorte, le nombre des combattants, et permettent de donner en même temps plusieurs salves successives de coups de fusil. — On peut charger l’arme en croisant la baïonnette, ce qui est capital lorsqu’il s’agit de repousser une attaque de cavalerie. — La cartouche ne peut pas glisser hors du canon, lorsqu’on porte l’arme la bouche en bas, comme c’est l’usage dans la cavalerie. — La balle repose toujours sur la poudre, au lieu de s’arrêter dans le canon, accident dangereux qui arrive quand le chargement n’a pas été fait avec l’énergie nécessaire. — Il est impossible de mettre plusieurs cartouches à la fois. — On peut décharger le fusil en retirant la cartouche sans la brûler. — Le nettoyage du canon est simplifié d’une manière extraordinaire. — L’emploi de cartouches spéciales, portant avec elles leurs amorces, contribue beaucoup à abréger l’opération du chargement, et à augmenter la rapidité du tir. — Enfin le soldat n’est pas le maître, comme il arrivait autrefois, de jeter la moitié de la poudre de sa cartouche, pour éviter un recul trop fort, ou pour tout autre motif.

Ces avantages sont tellement nombreux et décisifs, qu’il est de toute évidence que les fusils se chargeant par la bouche du canon, ne se présentent plus à nos yeux que comme l’enfance de l’art, et que leur règne, comme arme de guerre, est à jamais fini.

On comprend sans peine que, grâce à la rapidité de tir du fusil Chassepot, il soit possible de concentrer presque instantanément, sur un point donné, une attaque assez énergique pour culbuter et mettre en déroute l’ennemi, avant qu’il ait eu le temps de reformer ses rangs, décimés par un feu foudroyant. Chaque soldat pouvant porter avec lui de 75 à 120 cartouches, et tirer 10 coups par minute, un général d’infanterie, en choisissant avec habileté le moment de commencer le feu, aura toujours devant lui un temps plus que suffisant pour obtenir de sa troupe toute l’action qu’il peut en attendre. En supposant même que les soldats usent toutes leurs cartouches, le feu pourra être entretenu pendant près d’une heure. Or, il est très-rare que deux armées restent une heure en présence l’une de l’autre, à une portée de fusil, sans en venir à l’arme blanche.

Un feu très-rapide et très-nourri, comme on peut l’obtenir par l’emploi d’armes se chargeant par la culasse, présente donc d’immenses avantages, et donne une supériorité marquée à la troupe qui peut en disposer.