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nullement amoindris. De là à penser que la gorge était également inutile, il n’y avait qu’un pas. Ce pas fut fait, et la gorge disparut. Mais on constata aussitôt que le tir perdait beaucoup de sa justesse. On revint alors à la gorge ; et l’on remarqua, non sans surprise, que les plus légères variations, dans sa forme et sa position, influaient beaucoup sur la justesse du tir. Les moindres modifications apportées, soit à la partie tronc-conique, soit à la partie ogivale du projectile, exerçaient la même influence.

M. Tamisier soumit ces faits à une étude approfondie ; il en chercha la cause, et il fut amené, par des considérations théoriques très-justes, à pratiquer des cannelures à l’arrière du projectile. Il pratiqua, non pas une gorge, mais autant de gorges qu’il en put placer, sur la partie tronc-conique de la balle, et donna à chacune de ces excavations une profondeur de 7/10 de millimètre.

La figure 355 représente la balle dont il s’agit.

Fig. 355. — Balle cylindro-ogivale cannelée.

La justesse du tir fut immédiatement augmentée.

Voici, en deux mots, quelle était l’utilité des cannelures : rendre le frottement de l’air plus considérable à l’arrière de la balle, afin de redresser cette partie, qui tend toujours à s’abaisser, et ramener son axe vers la direction de la tangente à la trajectoire : cette dernière condition étant nécessaire pour que le projectile allongé se maintienne la pointe en avant.

En poursuivant ses essais, M. Tamisier reconnut que, pour obtenir le maximum de frottement, il importait que les arêtes des cannelures fussent aussi vives que possible ; et il s’ingénia à déterminer la forme de balle la plus avantageuse au maintien de cette condition, après sa déformation résultant du choc de la baguette.

Ainsi, d’après les nouveaux principes, il n’y avait aucun inconvénient, pour la justesse du tir, à sortir du type cylindro-ogival créé par M. Minié et à employer des balles de forme et de longueur quelconques. M. Tamisier eut tout de suite l’idée d’allonger le projectile. Il tira avec beaucoup de justesse à de grandes portées, avec des balles ayant jusqu’à sept calibres de longueur, c’est-à-dire 0m,126. Ce fut dès lors un fait acquis à la science et accepté de tous, qu’il n’est pas nécessaire, pour agrandir la portée d’une arme, d’en augmenter le calibre, mais qu’il suffit d’allonger le projectile, en faisant varier en même temps, d’une manière convenable, la construction de l’arme. C’est, comme on l’a vu, ce principe qui avait amené M. Delvigne à créer sa balle cylindro-conique : il avait fallu près de vingt ans pour qu’il passât à l’état de vérité reconnue.

À la fin de 1846, la supériorité de la carabine Thouvenin-Minié-Tamisier étant bien établie, cette arme devint réglementaire. Sous le nom de carabine modèle de 1846, elle fut adoptée pour l’armement des chasseurs d’Orléans.

On s’occupa, immédiatement après, de transformer notre vieux fusil à canon lisse, en usage dans toute l’infanterie française, en fusil rayé à tige. À la suite de nouvelles expériences qui en démontrèrent tous les avantages, le fusil rayé à tige fut donné aux zouaves. Il allait sans doute recevoir une extension plus complète, lorsqu’une proposition inattendue de M. Minié vint tout remettre en question.

Il ne s’agissait de rien moins que de supprimer la tige employée pour le forcement de la balle, grâce à un mode de forcement proposé par M. Minié, et tout différent de ceux imaginés jusque-là : le forcement par l’action