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calibre de la balle, la longueur et le calibre du canon, le sens, l’inclinaison, la profondeur et le nombre des rayures. Mais on se préoccupait surtout de perfectionner l’arme première de M. Delvigne, c’est-à-dire la carabine à balle sphérique, tant étaient vivaces les préjugés contre la balle oblongue.

M. de Pontcharra, qui présidait la commission, apporta une modification importante à la carabine Delvigne. Il eut l’idée d’adapter à la balle un sabot cylindrique en bois, sur lequel le projectile venait reposer. Ce sabot avait été imaginé par un arquebusier de Lyon, M. Bruneil, qui l’avait proposé dès 1827, en même temps qu’un fusil à batterie, fusil qui finit par devenir, après de nombreuses retouches, le fusil modèle 1840 (non rayé).

Ce sabot, creusé à sa partie supérieure pour recevoir la balle, reposait, de l’autre côté, par une surface plane, sur le rebord de la chambre, dont la fraisure était supprimée. De cette façon, il devenait impossible que le plomb pénétrât dans la chambre, et le forcement se trouvait meilleur.

Fig. 352. — Balle sphérique à sabot de Delvigne-Pontcharra.

La figure 352 représente la balle sphérique à sabot, modifiée par M. de Pontcharra. La balle ne pouvait plus s’étendre que dans le sens horizontal, c’est-à-dire perpendiculairement à l’axe du canon, et il en résultait une précision beaucoup plus grande.

Bien mieux, l’expérience mit en lumière un principe, non encore soupçonné jusque-là, et qui peut se formuler ainsi : L’aplatissement des balles rondes augmente la stabilité de leur axe de rotation, et par suite, la justesse de leur tir.

M. de Pontcharra eut aussi l’idée de clouer sous le sabot un calepin de serge graissée, qui, non-seulement rendait l’encrassement moins rapide, en balayant à chaque coup les rayures, mais encore augmentait la justesse du tir en faisant coïncider constamment l’axe du sabot avec celui du canon. Enfin il détermina le pas le plus convenable à donner à la rayure, pour obtenir les meilleurs effets.

À la suite de ces expériences, une petite carabine, dite à la Pontcharra, fut créée en 1837, pour l’armement d’un corps de tirailleurs dont le maréchal Soult réclamait l’organisation. Cette carabine portait à 300 mètres, avec une extrême justesse. Moins lourde que le fusil d’infanterie, parce qu’elle était plus courte, elle conservait pourtant assez de longueur pour être munie de la baïonnette. Elle se chargeait facilement, s’encrassait peu, et n’avait qu’un assez faible recul.

On en dota un bataillon de tirailleurs, qui fut formé à Vincennes, en 1838. Ce bataillon fut envoyé, l’année suivante, en Algérie, sous le nom de Chasseurs de Vincennes. La création du bataillon de chasseurs de Vincennes était due à l’influence du duc d’Orléans, qui s’était constitué le protecteur de M. Delvigne.

Les services que rendirent en Afrique les chasseurs de Vincennes, furent tellement décisifs, que l’organisation de dix bataillons de ces tirailleurs fut immédiatement décidée. Le duc d’Orléans fit adopter, pour leur armement, les projectiles allongés, dont il connaissait la supériorité sur la balle sphérique. Ce prince confia au capitaine d’artillerie Thiéry, la mission de fixer le modèle de la carabine à mettre entre les mains des dix bataillons de chasseurs, qui prirent alors le nom de Chasseurs d’Orléans.

Malheureusement, le capitaine Thiéry ne connaissait pas suffisamment la question pour mener l’entreprise à bonne fin. Il fit construire 14 000 carabines, mais avec une rayure trop peu inclinée. Quand ces nouvelles armes fu-