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sérieux. On employait des balles d’un calibre supérieur à celui de l’arme, et on les faisait entrer de force dans le canon, à coups de maillet, en frappant sur une baguette de fer, en d’autres termes, on chargeait la carabine à balle forcée. Or, le chargement au maillet, étant quatre fois plus long que le procédé ordinaire, était peu praticable en face de l’ennemi. De plus, il était incompatible avec l’usage de la baïonnette. On ne doit donc pas s’étonner que la carabine ait trouvé peu d’accueil chez notre nation, dont le caractère saillant, à la guerre, est la vivacité dans les mouvements et la promptitude dans l’attaque.

On peut pourtant se convaincre, par l’examen des collections du Musée d’artillerie de Paris, que la carabine de guerre ne fut pas totalement délaissée en France. On trouve, à ce Musée, 343 armes rayées, de diverses époques, dont 1 à mèche, 225 à rouet, 112 à batterie à silex, et 5 à percussion.

Le premier modèle d’armes rayées, adopté en France, remonte à 1793 : il porte le nom de carabine de Versailles. L’âme de cette carabine était sillonnée de sept rayures hélicoïdales, d’une profondeur de 6 à 8 dixièmes de millimètre seulement. La bouche en était évasée, pour faciliter le chargement, qui se faisait à balle forcée, et de la façon suivante. On enveloppait la balle d’un calepin (morceau de peau ou d’étoffe coupé en rond, et enduit d’une substance grasse, pour faciliter le glissement du projectile dans le canon) ; puis on la frappait à l’aide de la baguette et du maillet. Elle prenait ainsi l’empreinte des rayures, ne pouvait s’échapper qu’en suivant le pas de l’hélice, et sortait avec un rapide mouvement de rotation sur elle-même.

Les inconvénients que nous venons de signaler, quant à l’usage à la guerre, des armes à balle forcée par le maillet, subsistaient dans la carabine de Versailles ; aussi cette arme fut-elle abandonnée en France douze ans à peine après son adoption, c’est-à-dire en 1805.

Ce fut l’invention propre et fondamentale de M. Delvigne, de trouver une méthode pour forcer la balle dans la carabine, spontanément, c’est-à-dire sans l’emploi du maillet. Mais avant de faire connaître le mode de forcement de la balle, qui constitue l’invention de M. Delvigne, il est bon d’énumérer les systèmes divers que l’on connaissait avant lui, pour arriver au même résultat.

Ces systèmes étaient au nombre de cinq :

1o Le chargement au maillet, sur lequel nous n’avons pas à revenir.

2o Le chargement par la culasse, que nous ne voulons qu’indiquer pour le moment, parce que les armes de ce système feront l’objet d’un chapitre spécial. La balle se plaçait dans une chambre pratiquée à la partie postérieure de la culasse ; comme cette balle était, ainsi que dans le cas précédent, d’un diamètre supérieur au calibre de l’arme, elle se trouvait forcée naturellement par l’explosion de la poudre. Ce procédé était rapide, mais il avait l’inconvénient de donner encore du vent, c’est-à-dire de laisser fuir une partie des gaz provenant de la combustion de la poudre.

3o L’emploi d’un projectile de calibre moindre que celui du canon, mais enveloppé d’une étoffe graissée, qui entrait dans les rayures et produisait le forcement, sans que la balle eût à subir de déformation.

4o L’usage d’une balle munie d’un appendice extérieur, en forme d’anneau ou d’ailettes, lequel forçait le projectile à suivre les rayures, en s’y engageant lui-même.

5o Enfin, l’emploi d’une arme, dont le calibre reproduisait exactement la forme particulière de la balle. Ce dernier système remonte à une époque fort ancienne. Il existe au Musée d’artillerie de Paris, plusieurs carabines du temps de Charles IX, dont la section transversale est un carré assez compliqué ; sur le milieu de chaque côté sont de petites rigoles demi-cylindriques. On y voit aussi une arme ayant appartenu à Louis XIII, dont le canon