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une foule d’industries chimiques secondaires, fut victime d’un accident semblable. Il avait préparé, pour son cours, trois ou quatre grammes de fulminate d’argent, alors nouvellement découvert, et qui fixait en ce moment l’attention des hommes de l’art. Il plaça le sel desséché dans un flacon de verre, qu’il ferma avec un bouchon de liège. Quelques parcelles de fulminate étaient restées sur le goulot du flacon ; la faible chaleur développée par le frottement du bouchon contre le goulot, provoqua la détonation de ces quelques grains de fulminate, et par la violence de l’explosion, le malheureux chimiste eut l’œil droit arraché de son orbite.

Un de ses collègues de l’École de pharmacie, Virenque, qui avait peu de science, mais quelque esprit, disait le lendemain, à propos de cet accident : « Le professeur Figuier fait de la chimie à perte de vue ! »

En 1830, Bellot, ancien élève de l’École polytechnique, fut horriblement mutilé par une semblable détonation.

En 1845, Julien Leroy, fabricant de poudre, venait de préparer du fulminate de mercure, destiné à une composition de feu d’artifice. Par une imprudence fatale, il remua le fulminate avec la pointe d’une vieille baïonnette. Bien que le sel fût encore humide, la chaleur résultant de cette friction provoqua une explosion qui le tua sur la place.

M. Davanne a raconté, en 1868, à la Société de photographie, un accident très-grave arrivé à un photographe, dans des conditions assez singulières. Ce photographe avait fait du fulminate d’argent, comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. Pour extraire l’argent du résidu de ses opérations, il avait précipité par l’ammoniaque, une dissolution d’azotate d’argent, mêlée sans doute de cyanure de potassium ou de cyanate alcalin ; il s’était produit ainsi de l’ammoniure d’argent, ou de l’argent fulminant, et l’opérateur était à cent lieues de se douter de l’existence de ce redoutable produit. L’événement ne le prouva que trop. Comme il continuait de chauffer la capsule de porcelaine, pour évaporer le produit à siccité, une explosion survint. Le malheureux praticien perdit un œil ; le second fut très-gravement affecté ; la main et le bras furent horriblement déchirés.

C’est qu’en effet, la force d’expansion des fulminates est bien supérieure à celle de la meilleure poudre à canon. Placés sous une boule creuse de cuivre, ils la chassent à une hauteur vingt à trente fois plus grande. Aussi leur emploi comme amorces, dans les armes, a-t-elle permis de diminuer la charge de poudre dans une notable proportion. La charge de poudre n’est dans les fusils à percussion, que les 85 centièmes de ce qu’elle était dans les anciens fusils à silex.

Le fulminate de mercure est employé dans la confection de quelques joujoux, qui ne sont pas toujours sans danger. Tels sont les pois fulminants, qui éclatent sous la simple pression du pied ; — les bombes fulminantes, qu’on fait détoner en les jetant par terre avec force ; — les bonbons à la cosaque, formés de deux bandes étroites de parchemin, entre lesquelles est placée une parcelle de fulminate de mercure, avec quelques grains de sable ou de verre pilé ; lorsqu’on tire ces deux bandes en sens contraire, le frottement du sable ou du verre contre la poudre, suffit pour en déterminer l’explosion. — Dans la même catégorie de produits, se rangent les bandes de papier fulminant que quelques voyageurs à l’esprit ingénieux fixent à la porte de leur chambre à coucher, afin d’être réveillés par le bruit de la détonation, si l’on entre chez eux pendant la nuit.

Le fulminate de mercure est le seul en usage pour la fabrication des amorces ; mais il n’entre pas exclusivement dans leur composition. On a soin de modérer ses effets brisants par l’adjonction d’une certaine quantité de salpêtre. La proportion du mélange est de 2 parties de fulminate de mercure pour