Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/456

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Fig. 332. — Big-Will, canon Armstrong (calibre de 600).


à un tir quelque peu soutenu. Là est la difficulté qui avait arrêté jusqu’ici tous les inventeurs.

« Voici comment sir William Armstrong s’y est à son tour pris pour la résoudre. Il a commencé par prolonger la culasse de sa pièce, et dans cette prolongation, il a creusé intérieurement un vide destiné à un double usage : d’abord à introduire la charge, à recevoir ensuite une vis qui ferme la pièce. Néanmoins, quelque habilement faite que fût cette vis, comme il fallait qu’elle eût un certain jeu, et qu’elle ne fût pas trop dure à manœuvrer, elle ne pouvait pas suffire à protéger la bouche avec efficacité contre le danger des affouillements, contre les causes de ruine que produit l’explosion des gaz. Il n’a pas pu par conséquent l’employer comme moyen de fermeture unique. Il a imaginé d’introduire entre elle et la charge de poudre, un nouvel organe que les Anglais appellent indifféremment stopper, obturator, vent-piece. L’office essentiel et délicat de cet organe est de produire l’obturation en s’insérant entre la charge de poudre et la vis, qui ne sert plus qu’à le maintenir lui-même en place ; mais, trouvant alors qu’il était impossible de le faire parvenir à son poste par le passage de la vis, parce que c’eût été long, difficile et peu sûr, et aussi parce que cet obturateur devait, pour donner quelque garantie d’efficacité, être d’un plus grand diamètre que celui de la vis elle-même, sir William Armstrong a pratiqué dans la paroi de son canon, en arrière de la chambre où se dépose la charge, une ouverture qui sert à la mise en place de cet organe ; son obturateur est, comme on voit, le véritable souffre-douleur de tout le système. Entre la poudre et la vis, il est comme on dit familièrement, entre l’enclume et le marteau, et en même temps, pour remplir convenablement son office, il faut qu’il soit construit avec une exactitude toute mathématique, et qu’il la conserve toujours, ayant à se défendre contre l’envahissement des gaz sur tout le développement des lignes que présentent la circonférence de l’âme de la pièce, et le dessin de la tranche ouverte dans la paroi pour lui donner passage à lui-même[1]. »

Nous représentons (fig. 333) le canon Armstrong du calibre de 20, monté pour l’artillerie de campagne, et (fig. 332), le canon-monstre, devenu populaire chez nos voisins, et connu sous le nom de Big-Will (Gros-Guillot). Big-Will est du calibre de 600.

Il faut noter ici qu’en Angleterre, on désigne les pièces par le chiffre représentant le poids de leur projectile, qu’il soit sphérique ou allongé. Ici le chiffre 20 indique que l’obus lancé par le canon de campagne Armstrong pèse vingt livres anglaises ; le chiffre 600, que l’obus lancé par le canon Big-Will pèse 600 livres. En France, au contraire, on a conservé pour les nouveaux canons rayés lançant des obus la désignation ancienne : la pièce de 4 est celle dont le calibre correspond à l’ancien boulet sphérique pesant quatre livres.

  1. Les Marines de la France et de l’Angleterre. In-18, Paris, 1863, pages 298-300.