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forme pointue de l’avant n’est pas la plus utile au point de vue de la percussion et de la perforation des cuirasses. Elle agirait à la manière d’un coin, et le projectile, pour traverser, devrait refouler latéralement le métal, jusqu’à ce que l’ouverture fût assez grande ; or cette action exige un grand travail, c’est-à-dire une grande perte de force.

Le boulet cylindro-ogival, que recommandait Newton dès le siècle dernier, est donc aujourd’hui, et avec raison, généralement adopté. Nous verrons dans la Notice suivante que la même forme a été choisie pour les projectiles des armes portatives.

On a trouvé plus avantageux d’employer, pour perforer les cuirasses métalliques, des boulets à tête aplatie, qui opèrent comme un emporte-pièce.

Il est, en effet, un point à considérer dans le tir contre les vaisseaux cuirassés. Il faut éviter que le projectile n’arrive sous un angle trop éloigné de la perpendiculaire, parce qu’il pourrait ricocher, et qu’il aurait tout au moins une plus grande épaisseur de métal à traverser. Les boulets arrondis ricochent sur les cuirasses plus facilement que les projectiles à tête plate ou les boulets à pointe.

Nous terminerons ces considérations générales en examinant le mode d’action des projectiles suivant leur nature.

En 1834, M. Poncelet présenta à l’Académie des sciences, un rapport sur des expériences de MM. Piobert et Morin, relativement à la pénétration des projectiles dans des corps de nature diverse.

Les boulets de fonte n’éprouvent pas de déformation sensible en traversant des milieux facilement pénétrables ; sous leur action, les massifs de bois de sapin se fendent en grands éclats. Le bois de chêne, au contraire, se referme presque hermétiquement sur le passage des projectiles, à cause de l’élasticité des fibres qui n’ont pas été détruites.

L’argile et les terres suffisamment humides, débarrassées de graviers, laissent une ouverture évasée à l’extérieur en forme d’entonnoir, au fond de laquelle le boulet est logé. Les parois de l’argile sont durcies et comme cuites par la haute température développée par le choc et le refoulement.

Le boulet de 24 s’enfonce de 60 centimètres dans de bonnes murailles, de 30 centimètres seulement dans les roches calcaires. Souvent aussi, dans ce cas, au lieu de pénétrer la pierre, il rebondit d’une centaine de mètres en arrière. Le trou pratiqué dans ces circonstances, est évasé vers l’ouverture, au point de présenter cinq ou six fois le diamètre du boulet. Puis vient un long canal, se terminant par une cavité du calibre du boulet.

Le calcaire est pulvérisé, et les débris projetés de toutes parts présentent l’aspect et les propriétés de la chaux vive ; cette transformation chimique en chaux est l’effet de la chaleur développée par le broiement de la masse.

Dans le sable, qui est très-peu compressible, comme on le sait, la route du boulet est comblée par une poussière extrêmement fine, blanchâtre et desséchée.

Les boulets de fonte dure, c’est-à-dire blanche et truitée, se brisaient facilement dans le tir contre les rocs, et presque toujours dans le tir contre les plaques métalliques. Les boulets de fonte grise et douce, au contraire, ne se brisaient qu’animés des plus grandes vitesses et lancés par les plus fortes charges en usage dans l’artillerie ; leur ductilité particulière leur permettait de s’aplatir d’une certaine quantité avant que se manifestassent les fêlures.

La difficulté de construire les grandes bouches à feu, la résistance variable des métaux employés, la nécessité d’obtenir une grande justesse de tir et une trajectoire tendue, l’obligation d’employer des projectiles énormes, ont donné naissance, de nos jours, à un grand nombre de systèmes de canons, dans lesquels