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plaques de fer capables de résister aux boulets de la plus puissante artillerie.

Cette pensée paraît s’être présentée au gouvernement américain ; ou bien les fers d’Amérique avaient une ténacité qui manquait alors à ceux de France et d’Angleterre. Quoi qu’il en soit, le gouvernement des États-Unis commanda, en 1841, une batterie flottante cuirassée à MM. Stevens.

Ces constructeurs proposèrent dès cette époque, d’après M. Turgan, les gros canons en fer rayés, se chargeant par la culasse et lançant des boulets revêtus de métal mou[1]. L’hélice et la vapeur étaient proposées comme moteurs.

Ce n’est pourtant qu’en 1854 que le problème des batteries flottantes cuirassées fut résolu en France, grâce à l’initiative personnelle du souverain. Les quatre batteries cuirassées la Congrève, la Lave, la Dévastation et la Tonnante, construites sur les indications de l’Empereur Napoléon III, se révélèrent avec éclat dans le bombardement de Kinburn, au commencement de la guerre de Russie.

Le succès de ce premier essai de constructions navales cuirassées, détermina l’admirable entreprise consistant à revêtir entièrement de plaques de fer une frégate de guerre. L’apparition de la Gloire, en consacrant le principe des bâtiments cuirassés, donna le signal de la création dans notre flotte de nombreux bâtiments cuirassés. Bientôt l’Angleterre, ensuite les autres nations maritimes, imitèrent la France ; et ainsi fut consommée la révolution radicale qui transforma toute la flotte de guerre des deux mondes. Nous raconterons, avec tous les détails nécessaires, ces magnifiques entreprises dans la Notice spéciale que nous consacrerons, dans ce volume, aux Bâtiments cuirassés.

Par suite de l’adoption universelle des vaisseaux cuirassés, l’artillerie devait nécessairement se surpasser elle-même. Il lui était imposé de percer, grâce à la puissance de pénétration de ses nouveaux projectiles, les cuirasses de fer des navires ; elle devait subir une révolution analogue à celle qui venait de s’accomplir dans la marine de guerre. Ce dernier progrès s’est accompli de nos jours.

Les navires cuirassés et rapides ont remplacé les vaisseaux de guerre de haut bord. Les navires ne se canonnant plus à petite distance, la mousqueterie des haubans étant devenue inutile, il a fallu des canons énormes lançant avec précision leurs puissants obus, pour essayer de percer les plaques métalliques. On a donc vu se réaliser la prédiction de Paixhans, qui annonçait qu’un « très-petit navire, monté seulement de quelques soldats sans expérience, aurait assez de puissance pour détruire le vaisseau de haut bord le plus fortement armé. »


CHAPITRE XIX

études et progrès de l’artillerie contemporaine. — métaux divers employés à la confection des bouches à feu. — nouveaux modes de fabrication des canons. — conditions de la résistance des pièces. — les projectiles à grande vitesse initiale. — projectiles massifs. — résistance de l’air suivant la forme du projectile. — expériences de piobert et morin.

La révolution qui s’est accomplie dans l’artillerie contemporaine, a exigé une longue série d’études sur des questions particulières, qu’il a fallu résoudre successivement avant d’atteindre au résultat final. Nous consacrerons ce chapitre à résumer ces études spéciales, qui ont porté : 1o sur la nature du métal à choisir pour la confection des bouches à feu ; 2o sur le meilleur mode de fabrication des bouches à feu pour leur assurer la plus grande résistance ; 3o sur la forme et la nature des projectiles. Nous parlerons aussi de la question de la vitesse initiale à donner aux projectiles.

La première question à résoudre pour la constitution de la nouvelle artillerie, c’était

  1. Les Grandes Usines (Artillerie moderne).