Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/411

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Enfin, la branche ascendante influant davantage sur la longueur de portée que la branche descendante, les plus grandes portées ne seront plus données par le tir sous l’angle de 45 degrés, mais par le pointage sous un angle inférieur ; et les amplitudes correspondant à des angles également éloignés de 45 degrés, ne sont plus égales.

Toutes ces anomalies seront d’autant plus prononcées que la résistance du milieu où se meut le projectile sera plus considérable.

C’est pour mesurer la résistance de l’air aux grandes vitesses, que Robins inventa le pendule balistique usité de nos jours dans les poudreries. Comme nous avons décrit cet appareil à l’article de la fabrication de la poudre (p. 273, fig. 164) et expliqué son fonctionnement, nous n’avons pas à y revenir ici.

La vitesse initiale une fois déterminée, la comparaison de la portée réelle avec la portée calculée d’après la trajectoire dans le vide, donna la mesure de la résistance de l’air.

Robins trouva que, jusqu’aux vitesses de 350 mètres environ par seconde, la loi de Newton pouvait être adoptée sans grande erreur, mais que, pour les vitesses plus grandes, la résistance croissait rapidement. Il reconnut que s’il s’agit des plus grandes vitesses initiales dont soient animés les projectiles : celles de 500 ou 600 mètres par seconde, la loi de Newton ne donne que le tiers de la résistance de l’air.

Il faut en conclure que les projections sur l’horizontale des parties de la trajectoire décrites dans des temps égaux, ne seront plus égales, comme dans le cas de la parabole dans le vide, ni même décroissant uniformément comme dans l’hypothèse de Newton, mais qu’elles décroîtront rapidement d’abord, et plus lentement vers la fin, suivant une loi qui, de nos jours encore, n’est pas précisée. Tous les autres éléments de la courbe se comporteront d’après cette modification.

La courbe des projectiles, suivant l’hypothèse newtonienne, fut construite, pour la première fois, en 1719, par le géomètre suisse, Jean Bernouilli. Les mathématiciens de ce temps avaient coutume de se proposer mutuellement des problèmes à résoudre ; l’Anglais Keill envoya à Bernouilli cette question : « Déterminer le mouvement d’un globe pesant, dans un milieu de densité uniforme offrant une résistance proportionnelle au carré de la vitesse. » Bernouilli eut la gloire de donner la solution de ce problème.

La loi de la résistance réelle de l’air dans les grandes vitesses, n’étant pas encore aujourd’hui suffisamment établie, il n’y a pas lieu, de notre part, à définir autrement la trajectoire des projectiles, qu’en la rapportant à la parabole. En réalité, la trajectoire vraie s’écarte assez peu de cette courbe pour que ce nom serve à la désigner, et que même, dans les calculs qui ne demandent pas une grande approximation, on emploie les éléments de cette courbe très-simple.

Ainsi, trois systèmes parurent successivement pour déterminer la véritable forme de la trajectoire des projectiles : la parabole admise par Galilée et Torricelli, la courbe logarithmique déduite de la loi de Newton, et la courbe plus complexe indiquée par les travaux de Robins. On construisit des tables de tir basées sur chacune de ces trajectoires.

C’est d’après la trajectoire parabolique de Galilée, que Blondel et Bélidor, en France, croyant pouvoir négliger la résistance de l’air, publièrent, l’un, en 1699, les tables qui se trouvent dans l’Art de jeter les bombes, l’autre, en 1731, celles que contient le livre intitulé le Bombardier français.

Ces tables indiquaient au canonnier l’angle sous lequel il devait pointer sa pièce, avec une charge de poudre donnée, pour atteindre à une distance déterminée ; elles essayaient même de résoudre pratiquement tous les autres problèmes du tir. Mais comme elles manquaient du degré suffisant d’approximation, elles n’eurent jamais grande utilité.

En 1753, Euler, adoptant la loi de Newton,