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du courage et de la fermeté pour oser en faire l’exposition. »

Jusqu’à cette époque on avait eu les mêmes pièces pour tous les services. Gribeauval eut l’idée de composer des services spéciaux, et il les distingua en service de siége, de campagne, de place et de côte.

Par une innovation hardie, les canons de bronze furent coulés pleins, puis forés et tournés. Cette dernière opération sacrifiait les beaux ornements du système De Vallière, mais c’était au profit de la solidité et de l’efficacité de l’arme.

Le matériel de siége conserva presque toutes les dimensions établies par De Vallière pour les grosses pièces ; mais les parties les plus petites et les moins importantes de l’affût, furent déterminées dans leur forme et leur grandeur. La précision dans la construction fut poussée partout jusqu’à ses dernières limites.

Gribeauval composa son artillerie de campagne de trois calibres seulement : 12, 8 et 4 ; ceux de 16 et de 24 furent rejetés comme trop lourds pour ce service. Il leur donna 18 calibres de longueur d’âme, et fixa leur poids à 150 boulets. Les canons étant allégés, il y avait à craindre qu’ils ne détruisissent rapidement leur affût, par le recul ; mais en même temps, Gribeauval diminua la charge de poudre, qui fut réduite au tiers du poids du boulet, ainsi que l’avait demandé Robins, célèbre artilleur anglais, sur les travaux duquel nous aurons à revenir dans le chapitre suivant. La cartouche à boulet et la boîte à balles devinrent réglementaires. Gribeauval adopta un obusier du calibre de 8 pouces de diamètre.

Pour donner aux pièces plus de mobilité, il fit construire en fer les essieux des affûts et ceux des avant-trains ; ces parties gagnaient ainsi en solidité.

Les roues de l’avant-train furent faites plus hautes, pour diminuer l’effort de l’attelage dans les transports.

Un seul modèle de caisson servit désormais à tous les calibres ; il n’y avait qu’une différence dans l’aménagement intérieur, selon le volume des munitions spéciales à chaque genre de canons.

Les dimensions de l’avant-train, comme celles de l’affût, furent fixées jusque dans leurs dernières parties. Les roues, les essieux et jusqu’aux boîtes des essieux, étaient semblables pour tous les calibres, de telle sorte que la roue d’un avant-train quelconque, pouvait s’adapter à l’essieu d’un autre avant-train.

L’attelage à limonier en usage depuis Louis XIII, dans lequel les chevaux étaient disposés à la file, fut définitivement remplacé par l’attelage à timon, où ils marchaient par paires. Cet attelage exigeait, il est vrai, des charretiers plus habiles, et les chevaux se fatiguaient à marcher dans les ornières creusées par les voitures déjà passées, mais on gagnait de la force aux tournants, de la célérité dans toutes les manœuvres, et le nombre des chevaux ainsi que celui des charretiers pouvait être diminué.

Pour faciliter encore les transports de l’artillerie, on tailla sur les affûts des pièces de 8 et de 12, une autre paire d’encastrements qui, recevant les tourillons, reportaient la pièce, quand on la transportait, plus près de l’avant-train, et répartissaient mieux ainsi son poids entre les roues de l’avant-train et celles de l’affût.

Deux innovations capitales apportées par Gribeauval à l’artillerie de campagne, furent la prolonge, et la manœuvre des canons par des hommes, ou la manœuvre dite à la bricole.

Pour parcourir de longs trajets, ou pour franchir des fossés et des ravins, Gribeauval employait les chevaux ; mais au lieu de les atteler à l’avant-train, il séparait l’avant-train de l’affût, et plaçait entre eux une corde d’environ 8 mètres de long. La partie inférieure de la crosse de l’affût était taillée en