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combattre de là les casemates et les ouvrages cachés.

Un fait curieux se produisit à Arona, en 1523. La mine fit sauter en l’air un pan de mur, lequel retomba à sa place, sans s’écrouler, comme un homme qui ferait un entrechat pour se retrouver sur ses pieds. Les Français assiégeaient la ville d’Arona, et ils avaient livré sans succès plusieurs assauts.

« Après avoir miné, dit un auteur contemporain, un grand pan de mur, faisant mettre le feu dedans les mines, la muraille estant enlevée en l’air, au lieu de se renverser dedans les fossés, retomba dedans les fondements, et demeura debout. »

En 1558 on était déjà tellement sûr de la réussite des mines, que le duc de Guise étant parvenu à en faire pratiquer quelques-unes au siége de Thionville, cette place, réputée l’une des plus fortes de l’Europe, capitula, sans vouloir attendre l’effet de la mine qui la menaçait.

Ce même duc de Guise perfectionna d’une manière notable l’art de l’attaque des places. Il poussa les tranchées plus loin et plus sûrement qu’aucun capitaine ne l’avait fait avant lui. Il inventa même, dit-on, la défense des tranchées par les retraits où l’on poste des soldats. Il avançait ses tranchées jusqu’au bord du fossé, et là seulement il commençait à pratiquer la brèche. On conçoit combien devaient être fortifiées des batteries placées si près de la place.

Quelques changements apparurent encore dans l’attaque des places fortes avant la fin de cette période.

L’assiégeant, pour dérober la vue de ses travaux, imagina d’établir, de nuit, un rideau de branchages suspendus à des cordes, supportées elles-mêmes par des perches. L’assiégé ne savait plus où diriger ses coups : les boulets qui traversaient la verdure, ne laissaient aucun jour, et il était obligé de tirer à l’aveugle. C’est ce qui fit donner son nom au rideau de verdure : on l’appela blindage, du mot anglais blind, qui signifie aveugle. Ces modestes blindages de verdure étaient loin, on le voit, des blindages de fer qui, de nos jours, cuirassent les vaisseaux de guerre.

Vers le commencement du xviie siècle, on essaya le tir à ricochet pour démanteler les pièces flanquantes cachées derrière les épaules des bastions. Ce tir ayant aussi pour effet de détruire les embrasures des courtines, on se borna d’abord à augmenter leur épaisseur. Plus tard, quand le tir à ricochet, mieux dirigé et plus fréquemment employé, fut devenu redoutable, les ingénieurs s’attachèrent à ne pas laisser de lignes ricochables dans le tracé des fortifications. C’est alors que prirent naissance les redans, qui sont des angles saillants placés au milieu des courtines.

En même temps que le tir direct ou à ricochet sur les fortifications, les assiégeants employaient le tir courbe, au moyen de mortiers qui lançaient dans la place des boulets de pierre ou des matières incendiaires. Mais ce tir n’avait alors qu’une importance très-secondaire, et méritait d’être placé sur la même ligne que les vieux engins du Moyen Age dont on continuait encore l’usage. Il ne devait acquérir de valeur que dans la période suivante, qui fut signalée par l’invention des boulets creux explosifs, c’est-à-dire des bombes.


CHAPITRE X

quatrième période. — l’artillerie fait de grands progrès dans les pays-bas. — invention de la bombe dans les pays-bas. — la grenade. — manières diverses d’enflammer la bombe. — le mortier et ses affûts. — chargement des mortiers.

Depuis longtemps l’idée première du projectile explosif germait chez les nations militaires de l’Europe, mais on cherchait en vain les moyens de les exécuter sans danger pour les artilleurs. Presque partout on fit, pendant le xvie siècle, des essais, qui exposèrent les inventeurs à beaucoup de dangers, et qui ne