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vure qui date des premières années du xvie siècle. Entre autres choses intéressantes, ce dessin nous montre qu’on pouvait arriver ainsi à terrasser jusqu’à leur sommet les tours des anciennes fortifications, les exhausser même avec des gabions, et y placer des bouches à feu.

Il y avait de grands inconvénients à ne pas avoir des pièces de fort calibre battant la campagne. L’assiégeant pouvait s’établir près de la place, et où bon lui semblait, sans autre souci que le feu de mousqueterie de l’assiégé, qui ne lui faisait pas grand mal. Aussi le parapet des courtines fut-il bientôt percé d’embrasures. Quand il n’en avait pas, on plaçait la bouche des canons sur le terre-plein, de manière qu’il pût s’élever par-dessus son bord.

Par suite de ces progrès de l’artillerie, l’escalade devenait plus difficile et la brèche plus nécessaire aux assaillants. Il fallut augmenter de plus en plus la profondeur du fossé. Les murs de la place, grossis de terrassements énormes, semblaient s’enterrer jusqu’à affleurer à peine le niveau du sol.

À la fin de cette période, le bastion ne diffère pas sensiblement du bastion moderne, les murs qui descendent dans le fossé sont en talus, pour résister à la poussée des terres. Le parapet s’élève par-dessus verticalement ; souvent même on met le parapet en retrait sur le talus, et on le couvre d’un rempart gazonné, dans lequel les boulets ennemis s’amortissent.

Ces bastions étaient encore trop petits, car les bastions modernes sont énormes à côté d’eux ; mais il faut considérer qu’ils n’avaient pas à résister à une artillerie aussi puissante que la nôtre.

Les bastions grossirent à mesure que l’artillerie se perfectionnait, parce que c’est toujours là le premier point d’attaque de l’assiégeant : il faut détruire les flanquements avant de pouvoir monter à la brèche.

Pour terminer cette rapide esquisse, il nous reste à parler de la contrescarpe. Dans le principe, on construisait tout autour du fossé et à quelque distance en avant, une barrière de pieux, ou une muraille, de hauteur d’homme et de faible épaisseur ; l’espace compris entre cet obstacle et le fossé se nommait le chemin couvert. Ce chemin donnait abri au feu de la mousqueterie et facilitait les sorties ; comme les parapets de la place le dominaient, les canons pouvaient tirer par-dessus, dans la campagne.

Mais ce mur, formé de pieux trop peu résistants, cédait vite aux boulets de l’ennemi. On imagina de le remplacer par un talus gazonné. La pente douce extérieure fut nommée escarpe, ou glacis, l’autre, intérieure, fut nommée contrescarpe. Il restait entre les talus et les fossés, un espace pour le chemin couvert. Les boulets s’enfouissaient dans le talus ou dans la terre des parapets, ou bien, ricochant sur le glacis, ils entraient dans la ville, sans entamer les fortifications.

Ainsi les moyens de défense des places furent profondément modifiés au xvie siècle, par suite de l’adoption du boulet de fonte. Les murailles disparurent, elles furent cachées sous terre. Grâce à tous ces changements, la défense des places put retrouver une partie de son ancienne supériorité.


CHAPITRE VIII

attaque des places fortes. — les tranchées. — établissement des batteries. — les contre-approches.

Nous passons à l’examen des modifications qu’amena l’emploi du boulet de fonte dans l’attaque des places.

Déjà vers la fin du règne de Charles VII, presque toutes les places fortes étaient établies en plaine, et leurs canons, balayant au loin la campagne, forçaient l’assiégeant à se tenir à distance. On ne tarda pas dès lors à adopter une méthode régulière d’approche