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point à celles que portent les culasses de nos canons modernes.

L’Italien Tartaglia paraît avoir découvert les principes qui guidèrent Senfftenberg dans la construction de ses appareils destinés à faciliter le pointage, et à le rendre d’une exactitude mathématique. Il construisit une équerre de pointage et dressa des tables de tir, qu’il tint longtemps secrètes, mais que l’écrivain militaire espagnol Diégo Ufano nous a révélées.

Il nous suffira de dire que, jusqu’à cette époque, les erreurs de pointage étaient extrêmement fréquentes, à cause de l’ignorance où l’on était de la forme de la trajectoire.

Le poids de la charge de poudre, comparé à celui du boulet, paraît avoir constamment diminué depuis les premiers temps de l’artillerie jusqu’à nos jours, ce qui s’explique par les perfectionnements apportés à la fabrication de la poudre, et la purification plus complète de ses éléments, le salpêtre, le soufre et le charbon.

Il y eut pourtant un moment où le poids de la charge augmenta considérablement, et tout d’un coup, ce fut à l’apparition des boulets de fonte. Les canons avaient acquis rapidement une résistance très-grande, pendant que la préparation de la poudre n’avait encore subi presque aucun changement, et les artilleurs de cette époque s’imaginaient que plus forte était la charge, et plus grande était la portée.

Lorsque les premiers canons lançaient des boulets de pierre, le poids de la charge ne dépassait généralement pas la moitié de celui du projectile ; quand on se servit de canons de bronze et de boulets de fonte, le poids de la charge égala celui du boulet. Sous le règne de Henri II, on réduisit la charge de poudre aux deux tiers du poids du boulet, et plus tard à la moitié. Nous la verrons descendre, ensuite, au tiers, et même au quart du poids du boulet.

Si les anciens artilleurs ne paraissent pas avoir bien saisi l’influence de la quantité de poudre sur la portée du projectile, ils ont encore moins compris l’influence du calibre pour des projectiles de même nature, et selon l’espèce du projectile. Senfftenberg croyait que les projectiles de toutes sortes et de toutes grosseurs, recevant la même impulsion d’une même quantité de poudre, il devait en résulter la même longueur de portée de l’arme. Toutes ces erreurs tenaient à ce que personne ne songeait à tenir compte de la résistance de l’air. Bien des années devaient encore se passer avant qu’on connût l’effet retardataire de l’air sur la marche des projectiles.

À l’époque où nous sommes arrivés, les bouches à feu lançaient, outre les boulets sphériques en fonte, des projectiles d’espèces bien tranchées et de formes souvent bizarres. On connaît suffisamment les boulets en fonte. Les figures qui suivent représentent les plus remarquables de ces projectiles.

Fig. 238. — Chaîne ramée.

La figure 238 représente un boulet armé de deux chaînes terminées chacune par une masse métallique. Pendant le trajet du boulet, les résistances inégales de ses différents points à la pression de l’air lui communiquaient un mouvement de rotation rapide. Alors les deux masses, sollicitées par la force centrifuge, tendaient leurs chaînes, le système occupait un espace plus grand que le boulet isolé, et frappait dans un champ plus large. C’étaient des chaînes ou des boulets ramés.

Les trois boulets traversés par un axe (fig. 239) se comportaient de la même manière, mais cet appareil était très-lourd et ne