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cription des procédés, qui empêcha le mémoire de Nicéphore Niépce d’être accepté par la Société royale de Londres. Dans cette société savante, comme dans l’Académie des sciences de Paris, on n’admet aucun travail, quand l’auteur persiste à tenir ses opérations secrètes. Comme Nicéphore Niépce refusait de donner communication de ses procédés, le mémoire qu’il avait adressé à la Société royale, ainsi que les épreuves qu’il avait présentées, lui furent rendus, et la Société ne s’occupa plus de cet objet.

Niépce, traversant de nouveau Paris, à son retour de Londres, se présenta de nouveau chez Daguerre ; mais il n’emporta que le regret de n’avoir rien acquis sur ses travaux.

Cependant la correspondance ne fut pas interrompue entre eux. Daguerre assurait avoir découvert, de son côté, un procédé pour la fixation des images de la chambre obscure, procédé tout différent de celui de M. Niépce, et qui avait même sur lui un degré de supériorité ; il parlait aussi d’un perfectionnement qu’il avait apporté à la construction de la chambre noire.

Séduit par cette assurance et estimant que ses procédés en étaient parvenus à un point tel qu’il lui serait difficile, en restant livré à ses seules ressources au fond de sa province, de les faire beaucoup avancer, Niépce proposa à Daguerre de s’associer à lui, pour s’occuper en commun des perfectionnements que réclamait son invention.

Après de longs pourparlers, Daguerre se rendit à Châlon. Là, un traité fut passé entre eux, le 14 décembre 1829.

Nous reproduirons ici le texte de cette pièce historique :

« Entre les soussignés, M. Joseph-Nicéphore Niépce propriétaire, demeurant à Châlon-sur-Saône, département de Saône-et-Loire, d’une part ; et

M. Louis-Jacques-Mandé Daguerre, artiste peintre, membre de la Légion d’honneur, administrateur du Diorama, demeurant à Paris, au Diorama, d’autre part ;

« Lesquels pour parvenir à l’établissement de la société qu’ils se proposent de former entre eux, ont préalablement exposé ce qui suit :

« M. Niépce, désirant fixer par un moyen nouveau sans avoir recours à un dessinateur, les vues qu’offre la nature, a fait des recherches à ce sujet ; de nombreux essais, constatant cette découverte, en ont été le résultat. Cette découverte consiste dans la reproduction spontanée des images reçues dans la chambre noire.

« M. Daguerre, auquel il a fait part de sa découverte, en ayant apprécié tout l’intérêt, d’autant mieux qu’elle est susceptible d’un grand perfectionnement, offre à M. Niépce de s’adjoindre à lui pour parvenir à ce perfectionnement, et de s’associer pour retirer tous les avantages possibles, de ce nouveau genre d’industrie.

« Cet exposé fait, les sieurs comparants ont arrêté entre eux de la manière suivante les statuts provisoires et fondamentaux de leur association :

« Article 1er. Il y a entre MM. Niépce et Daguerre, société, sous la raison de commerce Niépce-Daguerre, pour coopérer au perfectionnement de ladite découverte, inventée par M. Niépce, et perfectionnée par M. Daguerre.

« Art. 2. La durée de cette société sera de dix années, à partir du 14 décembre courant ; elle ne pourra être dissoute avant ce terme, sans le consentement mutuel des parties intéressées. En cas de décès de l’un des deux associés, celui-ci sera remplacé dans ladite société, pendant le reste des dix années qui ne seraient pas expirées, par celui qui le remplace naturellement. Et encore en cas de décès de l’un des deux associés, ladite découverte ne pourra jamais être publiée que sous les deux noms désignés dans l’article 1er.

« Art. 3. Aussitôt après la signature du présent traité, M. Niépce devra confier à M. Daguerre, sous le sceau du secret qui devra être conservé à peine de tous dépens, dommages et intérêts, le principe sur lequel repose sa découverte, et lui fournir les documents les plus exacts et les plus circonstanciés, sur la nature, l’emploi et les différents modes d’application des procédés qui s’y rattachent, afin de mettre par là plus d’ensemble et de célérité dans les recherches et les expériences dirigées vers le but du perfectionnement et de l’utilisation de la découverte.

« Art. 4. M. Daguerre s’engage sous les susdites peines, à garder le plus grand secret, tant sur le principe fondamental de la découverte, que sur la nature, l’emploi et les explications des procédés qui lui seront communiqués, et à coopérer autant qu’il lui sera possible aux améliorations jugées nécessaires, par l’utile intervention de ses lumières et de ses talents.

« Art. 5. M. Niépce met et abandonne à la Société, à titre de mise, son invention, représentant la valeur de la moitié des produits dont elle sera susceptible ;