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ties d’étain pour 100 d’alliage. L’étain donne à la pièce la dureté, le cuivre lui assure la résistance. Mais comment les fondeurs et constructeurs, au xvie siècle, arrivèrent-ils à savoir que ces deux métaux étaient précisément les meilleurs pour former l’alliage des canons, et qu’il ne fallait pas y faire entrer d’autres métaux, tels que le fer, ou le plomb ? L’espèce d’intuition qui les amena à ce résultat, est vraiment inconcevable.

Les expériences faites à Bruxelles, par l’ordre de Charles-Quint, durèrent neuf ans : de 1521 à 1530. C’est alors que furent dressées les premières tables mathématiques pour la construction des bouches à feu.

Jusqu’à cette époque aucune règle n’avait été formulée touchant la longueur à donner au canon d’après son calibre. On comprenait assurément qu’il devait exister une longueur de volée donnant pour chaque calibre la portée maximum ; mais chaque fondeur agissait à sa guise et d’après ses propres inspirations. Le physicien et mathématicien d’Italie, Tartaglia, cherchant la solution de cette question, souvent agitée de son temps, avait posé ce principe, que la longueur du canon devait être telle que le boulet arrivât à son extrémité juste au moment où toute la charge de poudre était brûlée. Cette donnée était sans doute vague, mais elle jetait quelque lumière sur la question.

Les nombreuses expériences faites à Bruxelles, apprirent enfin quelle était la longueur qu’il fallait donner à une bouche à feu, d’un calibre donné, pour obtenir la portée maximum.

Charles-Quint apporta à l’artillerie, un autre perfectionnement d’une grande importance. Jusqu’à cette époque, le calibre à donner aux pièces n’avait été soumis à aucune règle, et présentait, en conséquence, des variations infinies. Chaque bouche à feu nécessitait des boulets et des munitions adaptés à ses dimensions particulières. Quand les boulots d’une pièce étaient épuisés, si l’on n’en trouvait plus de semblables dans tout le parc d’artillerie, le canon était hors d’état de servir. Il arrivait fréquemment aussi des erreurs dans les approvisionnements ; les munitions destinées à des bouches à feu déterminées, étaient mal adressées, et du même coup, la pièce et les munitions qui s’étaient trompées d’adresse, devenaient inutiles. Charles-Quint, plus que tout autre peut-être, avait eu à souffrir, dans ses campagnes, de désagréments de ce genre. Il résolut, en conséquence, de fixer les calibres des pièces qui seraient fondues dans ses États ; il limita leur nombre à six, y compris un mortier, devant lancer des boulets de pierre.

Douze canons destinés à la campagne d’Afrique, furent fondus à Malaga, d’après ces principes. Ils servirent de modèles à la nouvelle artillerie de Charles-Quint. On les nomma les douze apôtres, sans doute en souvenir des douze pairs de Louis XI.

Les fonderies d’Augsbourg construisirent presque toute la nouvelle artillerie de Charles-Quint. On vit alors, pour la première fois, des canons portant au-dessus de leur centre de gravité, des anses, pour faciliter leurs manœuvres. Ces anses représentaient des dauphins, forme qui fut beaucoup imitée depuis cette époque. De nos jours encore, en Allemagne, les anses sont appelées delphines. Un dauphin remplaçait aussi le bouton de culasse.

Lofler, le fondeur de Charles-Quint, dépassa dans la construction et l’ornementation de ces bouches à feu, ce que l’on pouvait attendre de l’art à cette époque.

Les six calibres de l’artillerie de Charles-Quint lançaient des boulets de fonte, du poids de 40 livres, de 24 livres, de 12 livres, de 6 livres et demie, de 3 livres ; le mortier lançait des boulets de pierre de 35 centimètres de diamètre. Les Français prirent seize de ces canons à la bataille de Cérisoles, en 1544 ; tous portaient les deux colonnes de Charles-Quint et la devise plus oultre.

Nous représentons dans la figure ci-des-