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Ce petit canon est donc antérieur de cinq ans au moins, à l’expédition d’Italie. La volée est taillée à huit pans. Les tourillons s’implantent bien au-dessous de l’axe de l’âme, comme si l’on avait craint qu’ils ne fussent pas assez forts pour supporter à eux seuls le recul. Un prolongement du métal fait saillie au-dessous de la culasse ; il devait butter, au moment de la décharge, contre une pièce résistante de l’affût.

L’âme est rugueuse et semble n’avoir subi aucune régularisation après le coulage à noyau. Le calibre est très-faible, même relativement à la longueur du canon, et l’épaisseur du métal est considérable, ce qui montre qu’on n’était pas encore sûr de la résistance de l’alliage employé.

D’après Paul Jove les plus gros boulets de fonte lancés par les canons de Charles VIII, pesaient 50 livres ; ce poids est déjà très-remarquable. Ce sont ces projectiles que les comptes de l’artillerie de Charles VIII, conservés à la Bibliothèque impériale, mentionnent sous le nom de boulets serpentins.

Ces mêmes comptes nous apprennent que les faucons et les pièces plus petites, lançaient des boulets de plomb, contenant dans leur intérieur des bloqueraulx, c’est-à-dire de petits dés de fer.

L’artillerie de Charles VIII fut bientôt imitée par toutes les nations militaires de l’Europe. Les Vénitiens, par exemple, se hâtèrent de couler des canons sur le modèle de ceux du roi de France. M. Favé représente dans son ouvrage un de ces canons construit à Venise. Il a plus de quatre mètres de longueur d’âme. À la hauteur des tourillons est gravée la date 1497, en chiffres romains. Le calibre est encore très-petit relativement à la longueur de la pièce et à l’épaisseur du métal. Les ornements dont il est couvert, sont exécutés avec une grande perfection.

L’artillerie de Charles VIII fut copiée, mais surtout améliorée par l’empereur Charles-Quint, qui fit commencer à Bruxelles en 1521, une série d’expériences ayant pour but de fixer la composition des alliages destinés à la confection des bouches à feu, ainsi que les dimensions les meilleures à leur donner.

À cette époque, où la chimie n’existait pas encore à l’état de science, on ne savait pas déterminer la nature et les proportions des métaux qui composaient un alliage. En outre, en raison de l’état imparfait de la métallurgie, les métaux que l’on faisait entrer dans les alliages, étaient toujours impurs, et la proportion des corps étrangers qu’ils renfermaient, différait, selon leur provenance. On conçoit donc toutes les difficultés que ces incertitudes devaient apporter à l’art de la fabrication des bouches à feu, et les embarras que Charles-Quint dut rencontrer pour faire procéder aux expériences de Bruxelles. Si de semblables expériences étaient à faire aujourd’hui, elles ne seraient qu’un jeu. On commencerait par essayer plusieurs bouches à feu, et par choisir les plus résistantes. Ce choix fait, on analyserait chimiquement l’alliage de la bouche à feu reconnue la meilleure, et l’on recomposerait sans peine un alliage tout semblable, pour en fabriquer des canons. Mais au xvie siècle il n’existait, en fait de chimistes, que des chercheurs de pierre philosophale ; et les quelques savants qui étaient en possession de connaissances empiriques sur les métaux et leurs composés, étaient confinés au fond de l’Allemagne, tout occupés à l’exploitation des mines. Il était donc vraiment impossible alors, de recomposer un alliage, dont on avait apprécié les bonnes qualités. On pouvait chercher par tâtonnement des compositions équivalentes, mais on n’était jamais sûr de rien, quant à la proportion des métaux entrant dans l’alliage.

Il faut donc admirer le prodigieux sens pratique par lequel les fondeurs de ce temps arrivèrent à trouver les proportions à peu près les meilleures de cuivre et d’étain destinées à former le bronze des canons. Leur bronze contenait 92 parties en poids de cuivre et 8 par-