Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/355

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

vertical étaient trop peu nombreuses et de trop peu d’étendue pour qu’il ne fût pas nécessaire d’y suppléer par l’élévation ou rabaissement de la crosse.

Charles-le-Téméraire avait amené avec lui des pièces anciennes, en même temps que des canons à tourillon : parmi les pièces anciennes se trouvaient de petites bombardes connues sous le nom de bombardelles[1].

Fig. 213. — Bombardelle de Charles-le-Téméraire.

Le dessin que nous donnons (fig. 213) tiré du livre de M. Favé montre l’une de ces bombardelles. Elle ne devait lancer que des boulets de pierre du poids d’environ six kilogrammes, avec de faibles charges de poudre, car la chambre de la pièce n’avait pas de grandes dimensions. Elle est de fer forgé comme les deux exemples précédents, encastrée dans un très-long fût de bois de chêne et attachée à celui-ci par des embrasses de fer.

L’affût de ces petites pièces n’est pas parvenu jusqu’à nous, et l’on se demande où se plaçait cette longue queue de bois. Écoutons à cet égard, M. Favé.

« L’artillerie de campagne de Charles-le-Téméraire, dit M. Favé comprenait aussi des bombardes fort courtes qui sont encastrées dans un fût à longue queue. Elles ont été séparées de leurs affûts, qui ne nous ont pas été conservés, et elles présentent un aspect assez étrange.

Nous pensons que la bouche à feu et son fût devaient être portés sur un affût à chevalet ou à roue. Deux trous circulaires qui traversent le fût des bombardes de Charles-le-Téméraire, ne nous laissent aucun doute à cet égard. Le premier de ces trous recevait l’axe autour duquel se faisait la rotation ; le second était traversé par la cheville de pointage : la queue du fût devait recevoir une longueur suffisante pour que les deux parties situées en avant et en arrière de l’axe fussent à peu près en équilibre ; la longueur de la queue facilitait le maniement et le pointage de la pièce[2]. »

C’était un mode de pointage qui préparait la découverte des tourillons. La longueur de la queue de l’affût faisant contre-poids à la volée, offrait un puissant bras de levier pour les manœuvres.

La forme un peu conique de l’âme permettait de tirer des boulets de grosseurs inégales.

Les défaites successives de Charles-le-Téméraire ruinèrent son artillerie à tel point que dans un inventaire des arsenaux de sa fille « très-redoutée damoiselle et princesse mademoiselle la duchesse de Bourgogne, etc., » on ne trouve plus mentionnés, le 30 janvier 1477, vingt-cinq jours après la bataille de Nancy, que « une longue serpentine sur affût, 25 arquebuses sans manches, 370 livres de fine poudre de coulevrine et d’arquebuse, et 1 100 livres de métaux en plusieurs pièces de serpentines et arquebuses rompues. »

Vers 1465, l’Italie possédait l’artillerie la meilleure peut-être de l’Europe, et la plus belle sous le rapport de la forme. On jugera de son élégance d’après les dessins qui suivent, tirés de l’écrit de Giorgio Martini. La figure 214 représente une bombarde et la figure 215 un mortier de l’artillerie italienne au xve siècle.

Ces deux pièces sont coulées en cuivre et ciselées avec un grand art. Le passage suivant traduit de l’ouvrage de Giorgio Martini prouvera que les Italiens à cette époque, ne connaissaient pas encore un alliage suffisamment résistant pour couler leurs canons.

« La bombarde doit être en cuivre ou en fer ; celles qui sont en bronze, et c’est le plus grand

  1. « Et là furent assises deux grosses bombardes, une bombardelle et plusieurs coulevrines et serpentines. » Archives curieuses de l’histoire de France. Siége de Beauvais, en 1473 (cité par M. Favé).
  2. Histoire du progrès de l’artillerie, tome III, page 119.