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la force de cette chute soit mieux transmise au projectile. Au-dessous du treuil, le dessin montre une gouttière de bois, dans laquelle court la poche de la fronde, avant de recevoir son mouvement circulaire. L’appareil tout entier est posé sur des roulettes ; il peut donc être avancé ou reculé selon les besoins du tir.

Cet engin peu coûteux et d’une construction facile, était vraiment admirable au point de vue mécanique. La force que l’homme accumule en tournant le treuil, est transmise presque sans déperdition, puisqu’il n’y a pas de chocs et presque pas de frottements, au grand levier, qui, par un mouvement croissant et prolongé, épuise cette force sur le projectile. Les engignours de ce temps savaient si bien prendre leurs mesures que la fronde décliquait juste au moment du maximum de vitesse. Le savant colonel Dufour, de Genève, a calculé que l’adjonction du double levier à la fronde, avait pour résultat de lancer le projectile le double plus loin que dans les machines plus anciennes c’est-à-dire que dans les balistes romaines, où l’on avait simplement placé la fronde dans une pochette creusée au bout de la verge.

La direction de la pierre et sa portée variaient suivant que la pierre à lancer était plus ou moins lourde, ou que le crochet, dont l’extrémité de la verge est armée, était plus ou moins recourbé, ou que la chute des contre-poids était plus ou moins rapide. Après quelques coups d’essai, on arrivait à une telle précision dans le tir, que les pierres, lancées successivement par la machine, allaient toutes frapper au même point.

Avec cette machine, on arriva à rompre les embrasures et à entamer ou écorner les remparts, et l’on conçut la possibilité de faire brèche dans les murailles à l’aide des machines de jet. On ne put jamais pourtant arriver à ce résultat.

Malgré ses énormes dimensions, le trébuchet était, de toutes les armes de trait, celle qui avait la portée la plus courte. L’arc ordinaire, c’est-à-dire celui qui avait la hauteur d’un homme, lançait des flèches à 300 mètres de distance. Les archers anglais, célèbres entre tous, s’en servaient avec une telle justesse et une telle rapidité, que celui d’entre eux qui n’eût pas lancé douze flèches par minute, et qui avec une de ses douze flèches n’eût pas atteint un homme à la distance de 200 mètres, aurait encouru, dit l’illustre auteur des Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie[1], le mépris de ses camarades. L’arbalète à tour avait encore plus de précision et de portée, mais son tir était plus lent.

L’arc de certaines arbalètes à tour faites en bois, en corne ou en acier, n’avait pas moins de 10 mètres de long. D’après les calculs du colonel Dufour, elles pouvaient lancer à 800 mètres, un trait pesant un demi-kilogramme.

Les arbalètes à tour lançaient de gros traits ou des pierres arrondies.

Les trébuchets lançaient indifféremment des pierres, des matières incendiaires et des morceaux de fer rouge (et alors la poche de la fronde était en fer). Les pierres énormes projetées par les trébuchets, à l’intérieur de la ville, écrasaient les toits des maisons et des édifices. On lança même, par ce moyen, des prisonniers faits à l’ennemi.

Telles étaient jusqu’au milieu du xive siècle, les armes de trait dont se servaient les assiégeants dans l’attaque des places. Ces armes étaient bien supérieures à celles de l’époque romaine ; mais l’invention de la poudre devait les faire disparaître à leur tour.

Passons au système de fortifications en usage à cette époque, et qui nécessairement avait été calculé pour résister aux moyens d’attaque que nous venons de décrire.

Pour faire mieux comprendre en quoi consistaient les fortifications d’une place, au Moyen Age, nous donnons, d’après le manus-

  1. Tome Ier.