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la défense des places fut modifié par l’emploi des bouches à feu, et comment les pièces d’artillerie arrivèrent peu à peu à remplacer les engins de la vieille poliorcétique (l’art de prendre les villes).

Pour comprendre la nature des modifications et substitutions que l’emploi général de la poudre à canon obligea d’introduire dans la guerre des siéges, il est nécessaire de connaître les moyens d’attaque et de défense des places, qui étaient en usage avant l’invention de l’artillerie à feu.

On trouve sur ce sujet de nombreux renseignements dans les ouvrages de Christine de Pisan, qui a composé un excellent traité de l’art de la guerre, en s’aidant beaucoup de l’ouvrage de Végèce — dans les écrits du religieux de Saint-Denis, — dans les mémoires, ou manuscrits de Gilles Colonne, de Juvénal des Ursins, de G. Guiart, de Cuvelier, auteur de la Chronique rimée de Duguesclin, de Froissart, de Nuyer, et de Muratori, l’auteur anonyme du Jouvencel.

Au Moyen Age, et depuis l’organisation des communes en France, presque toutes les villes de l’occident de l’Europe étaient fortifiées. Il existait, en outre, un nombre considérable de châteaux forts, habités par les nobles et les évêques. En France, d’après Alexis Monteil, l’auteur de l’Histoire des Français des divers États, on comptait, au xive siècle, dix mille villes ou bourgs fortifiés ; et les Templiers possédaient à eux seuls, trente mille manoirs, munis, chacun, d’une haute et forte tour. Il est vrai que les nobles féodaux étaient plus nombreux en France que dans aucune partie de l’Europe.

Presque tous les châteaux forts du Moyen Age étaient assis sur des hauteurs. Au contraire, les villes, en raison des nécessités du commerce et de l’agriculture, étaient, en général, bâties en plaine, là où nous les trouvons encore aujourd’hui. Les villes riches et puissantes avaient seules des murailles crénelées et des fossés ; les autres se contentaient de remparts en terre, disposés circulairement et garnis de fagots d’épines. Ces moyens suffisaient pour les garantir d’un coup de main, ou de l’attaque des bandes irrégulières de brigands, mais ils n’auraient pu servir à soutenir un siége, ou l’effort d’une armée. Les murailles des villes étaient circulaires, ou à peu près, et flanquées de tours, d’espace en espace. Végèce avait recommandé de construire des parties saillantes, qui auraient peu différé de nos bastions modernes ; mais il aurait fallu tant d’hommes d’armes pour garnir le périmètre tout entier, que la plupart des villes n’avaient pu songer à adopter cet excédant de murs.

Les formes des fortifications étaient déterminées par la nature des armes usitées à cette époque. Ces armes étaient de deux sortes : les armes de main, comme les piques, les hallebardes, les épées, les fléaux, les massues à pointes, les haches, — et les armes de trait, ou de hast, telles que arcs, arbalètes, frondes et trébuchets. Les défenseurs d’une place assiégée devaient s’arranger pour n’avoir pas à craindre les armes de main, et pour pouvoir lutter à couvert contre les armes de trait. Dans ce but, les villes s’entouraient d’une enceinte, et perçaient leurs murs de meurtrières, d’arbalétrières et de créneaux. L’assaillant devait escalader les murailles ou les renverser, pour venir combattre, homme à homme, au cœur de la place, et faire triompher le grand nombre des assiégeants du petit nombre des assiégés. Les gens de la place augmentaient encore leurs défenses avec des tours couronnées de mâchicoulis, avec des fossés, des barbacanes et autres ouvrages, que nous examinerons sommairement tout à l’heure, et qui avaient pour but de défendre les murailles, plutôt que de porter directement atteinte à l’ennemi.

Le plus grand danger pour les villes assiégées était l’escalade ; c’est pour cela que l’on donnait aux murailles jusqu’à douze mètres de hauteur, et que l’on creusait un large