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jectiles étaient toujours des balles de plomb, trop petites pour mériter le nom de boulets. Ils n’avaient pas assez de force pour qu’on pût songer à les faire servir à battre et renverser les remparts des villes, ou les murailles des forteresses. C’est à peine si, à cette époque, les grosses bombardes avaient quelque supériorité sur les machines à fronde, à ressort, à contre-poids et autres « engins à volants » de l’ancienne balistique. En 1421, Philippe-le-Bon se préparant à guerroyer contre le dauphin de France, prie et requiert ses bonnes villes de Flandres et d’Artois, de lui fournir, non des bouches à feu, mais « chacune un bon engin nommé coullart, gettant trois cents livres pesant, avec un bon maistre pour gouverner ledit engin. » De 1420 à 1440, on se servait tout à la fois, pour le siége des villes fortifiées, des anciennes machines de bois destinées à lancer des pierres, et des bombardes, qui lançaient des boulets de pierre.

Les pierres que lançaient les bombardes, agissaient plutôt par leur poids, que par la vitesse que leur communiquait la poudre. Aussi étaient-elles pointées sous des angles assez grands. Toutefois, quelque fût leur rapprochement des murailles à battre en brèche, leur efficacité restait nulle contre les remparts bâtis en pierres de taille : le boulet se brisait contre ce revêtement, sans réussir à l’ébranler. Les boulets de pierre étaient surtout efficaces pour effondrer les toits des maisons de la place assiégée.

On essaya, de consolider les boulets de pierre, en les cerclant de fer. Mais le résultat n’en fut pas meilleur, et si dans sa guerre contre les Gantois en 1459, Philippe-le-Bon renverse « rez à rez du fossé » un grand pan de mur du château de Pouques, après neuf jours de siége, c’est parce que « voyait-on bien par les fenestrages que celui pan ne pouvoit avoir guères grand face. »

Nous signalerons à la fin de cette période, c’est-à-dire vers 1460, et comme projectile de transition, les boulets de pierre farcis de plomb. La qualité des bombardes étant améliorée, on s’aperçut qu’elles pourraient lancer des projectiles plus denses que les pierres. Il était pourtant difficile de passer tout d’un coup aux boulets métalliques. Aussi essaya-t-on d’augmenter la densité des boulets de pierre en coulant du plomb dans des cavités creusées à cet effet dans le projectile.

Ces pierres farcies de plomb furent promptement abandonnées. Le centre de gravité n’était plus au centre de la sphère, et le tir perdait de sa régularité. En outre, leur prix de revient était élevé. Il était évidemment plus simple de fabriquer des projectiles entièrement métalliques. Mais ces projectiles ne pouvaient pas convenir aux grandes bombardes, qui étaient trop peu résistantes. Ils convenaient, au contraire, parfaitement aux canons de petit calibre.

Nous entrons ainsi dans la troisième période de l’artillerie, la période que nous appellerons celle du boulet de fonte. Les gigantesques bombardes que nous venons d’étudier, furent alors complétement abandonnées, et l’artillerie entra dans une voie de progrès, que nous avons maintenant à parcourir.


CHAPITRE III

deuxième période. — le bronze substitué au fer forgé pour la fabrication des bombardes. — l’art du canonnier au xve siècle. — les affûts des bombardes au xve siècle.

Le plus ancien Traité d’artillerie parvenu jusqu’à nous, est contenu dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris, portant le numéro 4653. Il paraît avoir été composé, dit M. Favé, vers l’an 1430, époque à laquelle les frères Bureau, aidés d’un juif habile dans la fabrication des bouches à feu, construisaient la remarquable artillerie que Charles VII employa si bien pour chasser les Anglais du royaume de France. Il est parlé, dans ce traité, des bombardes et bâtons à feu lançant les boulets de pierre ; les bou-