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les bouches à feu ne lançaient que des flèches de fer et des carreaux, grosses pointes ou flèches de fer, en forme de pyramide quadrangulaire. La portée des bouches à feu françaises n’égalait même pas celle des engins de l’ancienne balistique. Elles n’avaient d’autre avantage sur ces dernières machines, que d’effrayer les chevaux, par le bruit inusité de la décharge. Les pointes de flèches de fer que lançaient les canons, étaient fixées, près de chacune de leurs extrémités, dans des rondelles de cuir qui centraient la flèche dans l’âme de la pièce, et diminuaient le vent au moment du tir.

À ces bouches à feu, d’une construction médiocre et d’une résistance problématique, il fallait des projectiles légers. Les artilleurs de ce temps croyaient, que l’effort de la poudre se partage également entre le canon et le projectile ; de telle sorte que si le poids du canon était égal à celui du projectile, le canon serait lancé avec la même force, dans une direction opposée à celle du projectile. Ce principe est parfaitement vrai en lui-même ; ce n’est que dans notre siècle que l’on a été conduit à y apporter certains correctifs. Partant de ce principe, on fut amené à construire des canons très-lourds relativement au projectile, et quoique la poudre du quatorzième siècle, qui ne s’employait qu’à l’état de poussier, fût assez peu énergique dans ses effets, on ne pouvait faire usage que de projectiles ne dépassant pas un certain poids, si l’on voulait que l’explosion de la poudre n’amenât pas la rupture de l’arme.

Les longueurs et les diamètres de l’âme et de la chambre, relativement au calibre, n’étaient point déterminés, comme ils le sont aujourd’hui, avec une précision mathématique. Ces diverses mesures variaient suivant le caprice des constructeurs et des fondeurs. C’est ainsi qu’on trouve des veuglaires, dont les différentes dimensions affectent les rapports les plus variables.

L’utilité de la longueur de la volée n’était pas non plus bien comprise. Quoi qu’il en soit, la règle des artilleurs de ce temps était de prendre une charge de poudre supérieure au poids du projectile.

Les artilleurs du xve siècle employaient toujours trop de poudre, et leurs armes étaient trop courtes. Ils pensaient, mais à tort, que plus la charge de poudre est forte, et plus grande est la portée du projectile. Une forte proportion de poudre non brûlée était projetée avec le projectile, et brûlait à l’extérieur de l’âme sans effet utile. Cette combustion hors du canon, était peut-être recherchée à cause de la frayeur qu’elle devait occasionner à l’ennemi.

Voici comment s’effectuait le chargement de la bouche à feu. Le maître artilleur s’assurait d’abord que la pièce était propre ; il y passait l’écouvillon ; ensuite il dégorgeait la lumière, avec une épinglette de fer. Cela fait, il puisait la poudre renfermée dans des sacs de cuir, avec une cuiller de fer, dont le manche avait une longueur proportionnée à la longueur du canon, et il introduisait, avec précaution, cette cuiller, pleine de poudre, au fond de la pièce, où il la versait. Puis il donnait un coup de refouloir sur cette première charge de poudre. Pendant ce temps, un aide tenait le doigt sur la lumière, pour empêcher que la poudre ne s’échappât par cet orifice, au moment de la compression de la charge. Le maître artilleur introduisait une seconde charge de poudre, puis une troisième, toujours avec l’attention de ne la verser qu’au fond. Alors avec un bouchon de paille ou de foin, « lequel y doit entrer quelque peu serré, pour emporter toute la poudre éparse dans l’âme, » il nettoyait de nouveau l’âme de la pièce, afin qu’aucun grain de poudre n’y restât, qui pût prendre feu par le frottement, au moment de l’introduction du projectile. Il faisait enfin pénétrer le projectile. Si le tir devait avoir lieu dans une direction inclinée de haut en