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chers à Istein, dans le grand-duché de Bade, et de vieilles murailles à Bâle, et, dans l’un et l’autre cas, j’eus lieu de m’assurer, de la manière la plus indubitable, de la supériorité de la nouvelle substance explosive sur la poudre ordinaire.

Fig. 166. — Schönbein.

« Des expériences de ce genre, qui eurent lieu fréquemment et en présence d’un grand nombre de personnes, ne pouvaient rester longtemps ignorées, et les feuilles publiques ne tardèrent pas à donner, sans ma participation, des renseignements plus ou moins exacts sur les résultats que j’avais obtenus. Cette circonstance, jointe à la petite notice que je fis insérer dans le cahier des Annales de Poggendorff, ne pouvait manquer d’attirer l’attention des chimistes allemands ; aussi, au milieu d’août, je reçus, de M. Bœttger, professeur à Francfort, la nouvelle qu’il avait réussi « à préparer du coton à tirer et d’autres substances. » Nos deux noms se trouvèrent ainsi associés dans la découverte de la substance en question ; quant à M. Bœttger, le coton à tirer devait avoir pour lui un intérêt tout particulier, puisque déjà antérieurement il avait découvert un acide organique qui s’enflamme aisément.

« Au mois d’août également, j’allai en Angleterre, où, aidé de l’habile ingénieur M. Rich. Taylor, de Falmouth, je fis, dans les mines de Cornouailles, de nombreuses expériences qui eurent un entier succès, au jugement de tous les témoins compétents. En plusieurs endroits de l’Angleterre, il se fit aussi, sous ma direction, des expériences sur l’action du coton à tirer, soit avec de petites armes à feu, soit avec des pièces d’artillerie, et les résultats obtenus furent très-satisfaisants.

« Jusque-là il n’avait été que peu ou point question, en France, du coton à tirer, et il paraîtrait que ce sont les courts renseignements que M. Grove donna à Southampton, en présence de l’Association britannique et les expériences dont il les accompagna qui attirèrent pour la première fois l’attention des chimistes français sur cette substance. À Paris, on jugea d’abord la chose assez peu croyable, on en fit même le sujet de quelques plaisanteries ; mais, lorsqu’il ne put plus régner aucun doute sur la réalité de la découverte et que plusieurs chimistes de l’Allemagne et d’autres pays eurent fait connaître les procédés dont ils se servaient pour préparer le coton à tirer, alors on se prit d’un vif intérêt pour ce qui venait d’exciter la raillerie, et bientôt on prétendit retrouver, dans le nouveau corps explosif, une ancienne découverte française. C’était tout simplement, disait-on, la xyloïdine trouvée d’abord par M. Braconnot, puis étudiée de nouveau par M. Pelouze, et le seul mérite qu’on me laissât, était d’avoir eu le premier l’heureuse idée de mettre cette substance dans le canon d’un mousquet.

« S’il est avéré que, dès le commencement de 1846, j’ai préparé le coton à tirer et l’ai appliqué au tir des armes à feu, et que M. Bœttger l’a fait au mois d’août, s’il est bien reconnu que la xyloïdine ne peut pas servir au même usage que ce coton, et s’il est de notoriété publique que ce que l’on appelle maintenant pyroxyloïdine n’a été porté à la connaissance de l’Académie française et du monde savant que vers le milieu de novembre dernier, il ne peut être sérieusement question d’attribuer à la France la découverte du coton à tirer, et de ne m’accorder d’autre mérite que d’avoir le premier appliqué à un usage pratique ce qu’un autre aurait découvert. »

Ainsi M. Schönbein avait découvert un produit explosif, en faisant agir l’acide azotique sur les fibres ligneuses ; mais ce même produit, quel que soit le nom qu’on lui donne, avait été découvert et décrit par Pelouze, qui avait entrevu la possibilité d’en faire quelques applications dans l’artillerie. Aucune équivoque ne peut empêcher l’existence de ce fait, et par conséquent la priorité de la découverte de Pelouze.

Nous devons ajouter qu’en 1847, M. Schönbein vendit, en Angleterre, son brevet pour la fabrication du fulmi-coton. Seulement, l’explosion de la fabrique qui était établie à Dartford, mit fin à l’entreprise du cessionnaire de ce brevet.