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exactitude et dans leur ordre chronologique.

Voici d’abord les accidents qui se rapportent aux explosions des manufactures de poudre.

En 1360, une fabrique de poudre sauta à Lubeck, par suite de l’imprudence des hommes qui préparaient la poudre pour les bombardes, c’est-à-dire les premières bouches à feu qui lançaient des boulets de pierre. C’est la plus ancienne explosion dont il soit fait mention dans l’histoire.

En 1745, le moulin à poudre d’Essonne sauta par une cause inconnue, et dévasta les environs de cette ville.

De 1746 à 1756, à l’Ile-de-France, les moulins à poudre sautèrent, à différentes reprises. On remplaça alors les pilons par des meules de bois.

En 1774, les moulins à meules de bois établis à l’Ile-de-France, firent explosion. Comme il existait dans le voisinage 250 000 livres de poudre, qui firent feu, il résulta de cette explosion des dégâts extraordinaires.

En 1794, les moulins à poudre de Grenelle sautèrent, par suite d’une imprudence. 1 800 ouvriers y étaient occupés ; un grand nombre périrent sous les décombres.

En 1821, dans le Danemark, une tonne dans laquelle le soufre était trituré au moyen de gobilles de bronze, prend feu, et fait sauter la fabrique. Le même malheur se reproduit en 1824.

En 1825, une explosion eut lieu dans une partie de notre fabrique de poudre du Bouchet.

En 1827, un moulin à poudre sauta à Dartford. Cette explosion fut occasionnée par du sable que le vent y avait apporté, et qui vint frapper avec force le pulvérin de la poudre.

En 1835, une partie de notre poudrerie de l’État à Esquerdes, sauta en l’air.

En 1862, la poudrerie de Munich fit explosion.

Pendant la même année, la poudrerie de Fossano (Italie) fut deux fois incendiée. Quinze personnes périrent dans le dernier de ces événements[1].

Un trait pour résumer les nombreux événements de ce genre que nous sommes forcé de passer sous silence : d’après les observations de Chaptal, sur dix-huit moulins à pilons français, il en saute, en moyenne, trois par an.

D’après les recherches faites par Aubert, ingénieur attaché à notre poudrerie du Bouchet, à l’occasion de l’explosion de 1825, la poudre s’enflamme par le choc de fer contre fer, — de laiton contre fer, — de bronze contre fer, — de fer contre cuivre, — de fer contre marbre. — de fer contre plomb ; et il en est de même pour le bois.

D’après Vergnaud, ancien directeur de la poudrerie d’Esquerdes, un choc violent quelconque peut enflammer la poudre ; mais telle n’est pas peut-être la cause la plus fréquente des explosions. Dans un mémoire qui fit quelque bruit, Vergnaud attira l’attention sur l’influence de l’électricité de l’air pour produire l’inflammation des mélanges triturés par les meules ou par les pilons. On pensait à cette époque, que les explosions tenaient surtout à ce que les meules de marbre contenaient des grains de sable, qui, mêlés à la poudre, déterminaient des frottements, avec production de chaleur excessive et inflammation du contenu du moulin. Mais Vergnaud fait remarquer que les nombreuses explosions des mélanges soumis au triturage des meules, s’étaient produites à peu près indifféremment, que ces meules fussent de marbre siliceux laissant égrener leur sable, ou qu’elles fussent tout à fait exemptes de grains siliceux. Il cite même des explosions arrivées avec des meules et des plateaux de fonte ou de bronze. Il arriva un jour, que l’explosion d’un atelier voisin couvrit le plateau de débris de maçonnerie et de briques. Les meules qu’on ne songea point à arrêter à l’instant même, firent encore une

  1. La poudre à tirer et ses défauts, par A. Rützky, et O. Grahl, pages 119-120.