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du fer et du sable, qui, par leur contact, pourraient produire des étincelles. On a vu des étincelles produites entre cuivre et sable, et même entre sable et sable ; le sable est donc toujours à craindre.

Mais le véritable danger réside dans les poussières de la poudre, qui, légères et plus inflammables que la poudre elle-même, peuvent se disperser dans tous les points de l’édifice. Si elles s’enflamment, elles peuvent communiquer le feu aux nattes du plancher, et de là aux barils de poudre.

On ne fait entrer aucune portion de fer dans les charnières, les serrures et les autres parties, nécessairement métalliques, des portes et des fenêtres : toutes les parties métalliques, même les clefs, sont en cuivre.

Les sentinelles qui gardent les abords et la porte de la poudrière, sont armées, non de fusils, mais de lances.

Tout travail qui nécessite des chocs est formellement interdit dans l’intérieur des poudrières. Il est même défendu de rouler les barils : on les porte doucement à bras, quand il s’agit de les mettre en place, ou de les expédier au dehors.

Un personnel de surveillance intérieure et extérieure, est affecté à l’établissement. Il a pour consigne d’empêcher qu’on n’allume des feux ou qu’on ne tire des coups de fusil dans le voisinage de la poudrière, en un mot de faire observer toutes les précautions établies par les règlements.

Quoiqu’on ne puisse jamais absolument garantir la poudre de l’humidité, on recommande de placer les poudrières loin des cours d’eau, de les bâtir au-dessus d’un sous-sol voûté, de fermer les fenêtres quand l’atmosphère est humide, et de donner accès à l’air quand le temps est bien sec. Il n’y a pas de vitres aux croisées, car certains défauts du verre, faisant l’effet de lentilles, sous l’influence des rayons solaires, pourraient enflammer le poussier, qui est partout répandu à l’intérieur.

La figure 162 (page 269) montre les dispositions intérieures d’une poudrière française.

Dans chaque salle est suspendu un récipient plein de chlorure de calcium, pour absorber l’humidité de l’air. La chaux vive serait un excellent agent de dessiccation de l’air ; mais l’usage en est absolument interdit. On sait, en effet, que lorsqu’un peu d’eau vient à tomber sur de la chaux vive, la chaleur déterminée par l’hydratation de la chaux, est assez intense pour enflammer la poudre. On fait assez souvent, dans les cours de chimie, l’expérience curieuse qui consiste à enflammer de la poudre déposée sur de la chaux, en versant un peu d’eau sur ce fragment de chaux. On comprend dès lors pourquoi l’entrée de la chaux est absolument interdite dans les manufactures et les dépôts de poudre.

En Angleterre des précautions plus grandes encore sont observées dans les magasins à poudre. Tous les chemins conduisant d’un bâtiment à un autre, sont recouverts de planches. Ces planches sont constamment arrosées et lavées, pour en écarter le sable, et l’on n’y marche qu’avec des chaussures de feutre ou de natte. Par-dessus ces chaussures, on endosse une deuxième sorte de chaussures, quand on doit pénétrer à l’intérieur des magasins qui contiennent la poudre.

Malgré tant de précautions accumulées, les explosions des poudrières sont fréquentes. Énumérer tous les désastres qui ont été causés par les explosions de poudrières et des ateliers de fabrication, serait une tâche difficile. Nous nous bornerons à rappeler quelques faits, en les rattachant aux circonstances dans lesquelles ils se sont produits. Nous avons entre les mains une brochure de MM. Andréas Rützky et Otto Grahl, traduite de l’allemand : La poudre à tirer et ses défauts[1], dans laquelle on rapporte une longue série de ces événements désastreux. Ce travail nous aidera à rappeler les faits avec

  1. Traduit par M. L. Jaulin, in-8o, Paris, 1864.