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mette. Quand on plongeait cette allumette dans un petit flacon de verre contenant de l’acide sulfurique concentré, la réaction que nous venons d’analyser, provoquait l’inflammation de l’allumette.

Fig. 142. — Berthollet.

Berthollet, à qui l’on doit, comme nous l’avons dit, la découverte des chlorates, avait observé la plupart de ces phénomènes. Il avait été frappé des propriétés oxydantes du chlorate de potasse, et reconnu qu’on pouvait composer, avec ce sel, des mélanges éminemment explosifs. La pensée lui vint donc, assez naturellement, de substituer le chlorate de potasse au salpêtre, dans la poudre à canon. Les essais qu’il entreprit dans cette vue, amenèrent les résultats d’abord les plus avantageux en apparence : un mélange intime de soufre, de charbon et de chlorate de potasse, dans les proportions habituelles de la poudre, constituait une force explosive d’une énergie extrême. Cette poudre l’emportait à ce point sur la poudre ordinaire, que les projectiles étaient lancés à une distance triple.

Encouragé par ce fait, Berthollet demanda au gouvernement l’autorisation de faire préparer une assez grande quantité de la nouvelle poudre, afin de procéder à des expériences plus étendues. La poudrerie d’Essonne fut mise à sa disposition. Mais l’entreprise eut une bien triste fin : une explosion terrible détruisit la fabrique, et coûta la vie à plusieurs personnes. Voici quelques détails positifs sur ce malheureux événement.

M. Letort, directeur de la manufacture d’Essonne, était plein de confiance dans le succès des expériences de Berthollet et dans l’avenir de la poudre nouvelle ; il assurait qu’elle n’offrirait aucun danger dans son maniement, et qu’elle se comporterait en tous points comme la poudre au salpêtre. Le jour où devaient commencer les essais de la fabrication, il invita Berthollet à dîner, et au sortir de table, on descendit dans les ateliers Le mélange se faisait, comme à l’ordinaire, dans des mortiers, avec des pilons de bois, et par l’intermédiaire de l’eau, afin d’éviter le développement de chaleur provoqué par le frottement, M. Letort prétendit que l’addition de l’eau était même superflue, et que l’on aurait pu tout aussi bien faire le mélange à sec. Pour le prouver, il s’approcha de l’un des mortiers, et, du bout de sa canne, il se mit à triturer une petite motte de poudre qui s’était desséchée sur ses bords. Aussitôt une détonation épouvantable se fit entendre ; la maison fut à moitié renversée, et l’on releva parmi les décombres le cadavre du directeur, celui de sa fille et les corps de quatre ouvriers ; Berthollet fut préservé comme par miracle (fig. 143).

Cependant on avait attaché tant d’importance à l’emploi de la poudre au chlorate de potasse, que cet événement terrible ne porta point ses fruits. Quatre années après, le gouvernement autorisa de nouveaux essais de fabrication de la poudre au chlorate de potasse. Au milieu des guerres de la république, il était difficile de renoncer à l’espoir de posséder un agent d’une si merveilleuse puis-