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les feux gregeoix et artificiels, avec lesquels ils empêchèrent que les Florentins ne purent exécuter leur dessein. Les soldats de Verone, attendant l’assaut des François, dresserent pots de feu artificiels et autres fricassées, qu’ils leur donnoient aux flancs et par derrière les remparts. »

Zantfliet affirme, dans ses Chroniques, que le feu grégeois était usité en Hollande en 1420.

Il fut encore employé en 1453 au siége de Constantinople par Mahomet II : les assiégés et assiégeants en faisaient usage chacun de leur côté (fig. 141). L’historien Phrantzès, cité par M. Lalanne, rapporte qu’un Allemand nommé Jean, très-habile à manier le feu grégeois, et qui dirigeait la défense de la ville, se servait de ce feu pour faire sauter des mines.

Ainsi, jusqu’à l’année 1453, les compositions incendiaires étaient encore employées concurremment avec l’artillerie, et l’on avait trouvé le moyen d’en tirer un parti nouveau en l’appliquant à l’art des mines. On peut donc établir, en s’appuyant sur des données historiques, que le secret du feu grégeois n’a jamais été perdu.

Les bouches à feu furent donc appliquées dans l’origine, à lancer des pierres contre les remparts extérieurs des cités et à jeter le feu grégeois. Cependant, à mesure que la préparation de la poudre à canon se perfectionna, et que les projectiles purent recevoir une vitesse assez grande pour percer les armures métalliques, ce dernier usage se perdit, et le nom même du feu grégeois finit par s’oublier. C’est alors seulement que les bouches à feu commencèrent à jouer un rôle important dans les armées.

Pour résumer ce qui précède, nous dirons que la poudre à canon a pris son origine dans l’art des compositions incendiaires et les feux d’artifice, connus et mis en usage de temps immémorial chez les Indiens et les Chinois ; — que l’introduction du salpêtre dans les compositions, aussi bien que la découverte et l’emploi de la fusée, sont dus aux Chinois ; — que les Arabes ont emprunté aux Chinois ces connaissances, — que les Arabes ont accru singulièrement la puissance explosive des mélanges incendiaires en faisant usage de salpêtre purifié, et exempt de sels non combustibles — enfin qu’ils ont les premiers, lancé avec la poudre à canon des projectiles dont l’action, sans efficacité et sans importance, ne pouvait point exercer tout d’abord une influence notable sur l’art de la guerre, mais qui contenaient en germe les armes à feu modernes.


CHAPITRE IV

perfectionnements apportés dans les temps modernes à la composition de la poudre à canon. — essais pyrotechniques de dupré et de chevallier. — poudre au chlorate de potasse expérimentée par berthollet en 1788.

Nous ne suivrons pas plus loin cette histoire rapide des premiers emplois de la poudre à canon. La revue des perfectionnements successifs qui ont amené l’artillerie européenne au degré éminent où nous la voyons de nos jours, sera présentée avec les détails nécessaires, dans la notice qui doit suivre : l’Artillerie ancienne et moderne. Ici nous devons nous en tenir à envisager les modifications apportées à la composition des poudres de guerre. À ce point de vue, notre tâche est à peu près terminée. Depuis deux siècles, en effet, la fabrication et l’emploi de l’agent qui nous occupe n’ont fait que des progrès presque insensibles, et pour arriver jusqu’à notre siècle, nous n’avons à signaler que quelques essais curieux, mais restés sans application.

C’est dans cette catégorie qu’il faut ranger les essais entrepris sous Louis XV, par Dupré, pour retrouver le feu grégeois ; ceux que fit, à la fin du dernier siècle, le célèbre chimiste Berthollet, dans le but de modifier la composition de la poudre ; enfin les expé-