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nées de l’historien arabe, les effets de la poudre à canon employée à lancer des graviers de fer contre les murailles de Sidjilmesa, en 1273.

Les événements militaires dont on vient de parler pour constater l’emploi de la poudre à canon, se sont passés dans le nord de l’Afrique et de l’Espagne. Il ne semble donc pas impossible, dit M. Favé, que les Arabes de ces contrées aient été les premiers à utiliser la force projective de la poudre à canon, et que son emploi remonte chez eux jusqu’à la seconde moitié du xiiie siècle. On peut encore espérer que des textes arabes restés inconnus viendront décider cette question.

L’emploi des premières armes à feu chez les Arabes, à partir du xive siècle, est établi par plusieurs documents sur l’exactitude desquels il ne peut exister aucun doute. Les deux citations qui vont suivre sont empruntées à l’ouvrage de M. Favé.

Condé, dans son Histoire de la domination des Arabes en Espagne, composée de morceaux traduits de l’arabe, parle de machines lançant des globes de feu avec grands tonnerres, dont l’effet est de ruiner des murs et des tours. Il parle plus loin de balles de fer lancées par le naphte ; racontant le siège de Tarifa, en 1340, par l’empereur du Maroc, joint aux Maures d’Espagne, Condé l’historien dit :

« Ils commencèrent à combattre la place avec des machines et des engins de tonnerre qui lançaient de grosses balles de fer avec du naphte, causant une grande destruction dans les murailles renforcées de bonnes tours. »

Casiri cite le passage suivant d’un auteur arabe qui vivait dans la première moitié du xive siècle.

« Le roi de Grenade entra dans le pays ennemi, marcha vers la ville de Basseta, l’investit et l’attaqua vivement ; il frappa l’arceau d’une forte tour avec la grande machine garnie de naphte en forme de boule chauffée. »

Dans une chronique espagnole, citée par Casiri, racontant le siège de la ville d’Algésiras, par le roi Alphonse XI, en 1342, on trouve mentionné l’emploi de la poudre par les Arabes pour la défense de cette place ; on y lit en effet :

« Les Maures de la ville tiraient beaucoup de tonnerres vers le camp, contre lequel ils lançaient des boulets de fer aussi gros que les plus grosses pommes, et ils les lançaient si loin de la ville que les uns passaient au delà du camp, et que les autres l’atteignaient[1]. »

L’opinion de MM. Reinaud et Favé, qui attribuent aux Arabes la découverte de la propriété explosive des poudres salpêtrées, s’appuie donc sur des faits nombreux. Ce qui peut d’ailleurs la confirmer, selon nous, c’est l’état avancé des arts chimiques chez cette nation. Pendant le moyen âge, l’Espagne, occupée et régie par les Arabes, était devenue le foyer le plus brillant des lettres et des arts ; les sciences chimiques s’y trouvaient particulièrement cultivées. La découverte des propriétés explosives de la poudre n’est que la conséquence de la purification du salpêtre par les procédés chimiques ; il est donc probable que c’est aux Arabes que doit revenir l’honneur de cette importante observation.

La poudre préparée au xive siècle, était extrêmement imparfaite. On l’obtenait sous forme de poussier, état qui lui enlève une grande partie de sa force ; en outre, le salpêtre qui servait à sa fabrication était fort impur. Cette poudre, qui ne donnait lieu qu’à une explosion assez lente, n’aurait donc pu imprimer aux projectiles une vitesse assez grande pour percer les cuirasses et les armures métalliques en usage à cette époque. Aussi, durant le xive siècle, les projectiles lancés par les bouches à feu, ne furent-ils que très-rarement dirigés contre les hommes. La poudre servait surtout à lancer de grosses pierres, qui, par leur chute, écrasaient les

  1. Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie. Tome III, pages 65-68.