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Fig. 140. — Le sultan du Maroc Abou-Yousouf emploie la poudre à canon pour lancer des graviers de fer, au siége du Sidjilmesa, en 1273.


difficilement de leur propriété incendiaire. Des écrivains étrangers à cet art ne pouvaient donc pas distinguer l’une et l’autre de ces propriétés. D’ailleurs, le mot baroud, qui avait d’abord désigné le salpêtre en arabe, servit ensuite à désigner la poudre. C’est parce qu’ils n’ont pas connu ces deux acceptions du même mot, que différents auteurs modernes n’ont pas distingué les deux propriétés des compositions salpêtrées, d’imprimer une force accélératrice à la fusée et de produire une force instantanée dans les armes à feu.

Un passage emprunté à l’Histoire des Berbères, traduit par M. de Slane, ferait remonter au xiiie siècle, chez les Arabes, l’emploi de la poudre pour lancer des projectiles.

« Abou-Yousouf, sultan du Maroc, mit le siége devant Sidjilmesa, en l’an 672 de l’hégire (1273 de Jésus-Christ )… il dressa contre elle les instruments de siége, tels que des medjanics, des arrada et des hendam à naphte, qui jettent du gravier de fer, lequel est lancé de la chambre (du hendam), en avant du feu allumé dans du baroud, par un effet étonnant et dont les résultats doivent être rapportés à la puissance du Créateur… Il passa une année entière, et, un certain jour, quand on s’y attendait le moins, une portion de la muraille de la ville tomba par le coup d’une pierre lancée par une medjanic, et on s’empressa de donner l’assaut[1]. »

Cette relation a été écrite par Ibn-Khaldoun, cent ans environ après l’événement. On voit que, d’après cet auteur, la poudre était employée à lancer du gravier de fer, analogue aux avelines (graviers de fer), dont parle le manuscrit de Saint-Pétersbourg. Ces petits projectiles ont dû précéder les boulets plus gros dont l’histoire fera mention quelques années plus tard.

La figure 140 représente, d’après les don-

  1. Cité par M. Favé, Histoire des progrès de l’artillerie. Tome III, des Études sur le passé et l’avenir de l’artillerie, p. 67.