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Fig. 138. — Cavalier armé de sa lance à feu.


pas à braver les périls dont il ne connaît point la nature ; les dangers qui s’environnent d’un caractère surnaturel ou mystérieux glacent les plus intrépides cœurs. Or, l’emploi de ces feux à la guerre, avait quelque chose de magique en apparence, qui devait très-vivement agir sur l’imagination des Européens. Qu’on se représente un chevalier chrétien enfermé dans son étroite armure, et qui tout à coup voit arriver sur lui, au galop de son cheval, un musulman armé du feu grégeois. Avec la lance à feu, le Sarrasin dirige la flamme ardente contre le visage de son ennemi ; avec la massue à asperger, il couvre sa cuirasse du mélange enflammé, et le guerrier, tremblant, éperdu à cette apparition magique, se croit, avec horreur, à demi consumé sous son armure brûlante.

Dans son Histoire des progrès de l’artillerie, M. le général Favé rappelle quelques-uns des faits historiques dans lesquels des matières incendiaires ont été employées comme armes offensives, par les Arabes, contre les Orientaux, tant en Asie qu’en Europe.

Bongars, dans une relation qu’il a donnée du siége de Jérusalem pendant la première croisade[1], s’exprime ainsi :

« Lorsque les chrétiens s’avançaient sous les murs de la ville sainte, ils furent accueillis par une grêle de pierres et de flèches. En outre les défenseurs jetaient du bois et des matières combustibles par-dessus du feu ; des maillets de bois étaient enveloppés de poix, de cire, de soufre et d’étoupe, puis, la composition étant allumée, ils étaient projetés sur les machines ; ces maillets étaient garnis de pointes de fer afin de s’attacher de quelque côté qu’ils frappassent, et de communiquer le feu. Le bois et les matières incendiaires formaient des bûchers enflammés qui arrêtaient ceux que ni les glaives ni les hautes murailles n’auraient retardés[2]. »

Un autre historien de la même croisade dit, au sujet du siège de Nicée :

« Les Sarrasins dirigeaient contre nos machines de la poix, de l’huile, de la graisse et toutes sortes de substances propres à fournir matière à l’incendie. »

  1. Gesta Dei per Francos, p. 178.
  2. Cité par M. Favé, p. 52.