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planche, à 0m,75 des extrémités, il dresse deux miroirs plus petits, parallèles aux premiers et distants de la distance des deux yeux. Placé au milieu de l’arête antérieure de la planche, l’observateur regarde avec son œil droit dans l’un des petits miroirs, avec son œil gauche dans l’autre ; il voit par là même, dans les petits miroirs, les grands miroirs et les images des paysages qui s’y réfléchissent. Or, on comprend sans peine que, par cette disposition, les images qu’il regarde et qu’il perçoit avec ses yeux, séparés seulement de 0m,08, sont celles que verraient deux yeux placés aux extrémités de la planche, c’est-à-dire distants de 1m,50 et que l’effet de relief doit, par conséquent, être augmenté dans une proportion très-considérable, surtout si l’on regarde avec une lorgnette qui rapproche ou grossit les objets, ou simplement avec des lunettes ordinaires. C’est ce qui arrive réellement, et dans ces conditions, l’effet produit surpasse même celui que l’on obtiendrait avec des images stéréoscopiques, parce que le paysage se montre, non plus représenté par un dessin formé de noirs et de blancs, mais avec ses couleurs et ses gradations naturelles de tons. Des objets distants de 800 et même de 1 500 mètres se détachent alors parfaitement du fond, avec lequel ils se confondaient quand on les regardait à l’œil nu ; les objets plus rapprochés ont retrouvé leur relief ou la solidité de leurs formes, et l’œil est tout surpris de cette quasi-révélation de détails qui lui échappaient auparavant. »

Monostéréoscope de Claudet. — En 1858, Claudet, qui était déjà connu par ses recherches photographiques et ses travaux sur le stéréoscope, présenta à la Société royale de Londres un instrument qui, au moyen d’une image projetée sur un verre dépoli et résultant de la fusion en une seule de deux images semblables, produit la sensation du relief. Comme on le voit, l’invention de cet instrument tendait à faire changer les théories établies sur la vision binoculaire.

Tout le monde sait que, dans la chambre obscure, l’image des objets reçue sur le verre dépoli, produit la sensation du relief ; mais on sait aussi que ce relief disparaît lorsqu’on veut le fixer sur le papier par la photographie. Pour lui communiquer l’effet du relief, Claudet prend deux objectifs, et au moyen de ces objectifs il projette deux images identiques d’un objet quelconque sur le même point d’un écran, afin que celles-ci, se rencontrant au même point, se fondent et n’en forment plus qu’une seule.

L’appareil se compose d’un large écran noir, (fig. 128) au milieu duquel on a ménagé un espace carré, occupé par une glace dépolie ; c’est sur cette glace que l’on envoie, comme nous venons de le dire, les deux épreuves stéréoscopiques. Quand on regarde, sans le secours d’aucun instrument, cette image, on perçoit la sensation très-distincte du relief.

Fig. 128. — Monostéréoscope de Claudet.

Un grand avantage qu’a cet instrument sur le stéréoscope Brewster, c’est que l’on peut contempler cette image absolument comme un tableau, soit à 0m, 30, soit à 3 mètres de distance, et cela sans la moindre fatigue, et que plusieurs personnes peuvent la regarder à la fois. L’image projetée est plus grande que l’image photographique, par le seul fait de sa projection sur l’écran. Si l’on veut rendre encore les effets plus sensibles, on la regarde avec de fortes lentilles convergentes.

On explique le phénomène que produit le monostéréoscope, en disant que, bien qu’il n’y ait sur l’écran qu’une seule image visible, comme ce sont deux dessins accouplés qui produisent le dessin définitif, la sensation du relief est produite parce que chacune de ces images pour ainsi dire virtuelles est vue par chacun des yeux de l’observateur.

Le monostéréoscope de Claudet est un re-