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il est permis de dire que cet art merveilleux a atteint son apogée. La certitude de ce fait était, pour les photographes, l’incitation la plus puissante à chercher quelque création nouvelle. Dire à la photographie, l’art progressif par excellence, qu’elle a atteint ses limites dernières, qu’elle n’a plus rien à inventer, et qu’elle doit se borner à l’avenir à répéter docilement les pratiques que l’expérience a consacrées, c’était la pousser à de nouvelles conquêtes. Quand une fois il fut bien démontré que la photographie n’avait plus rien à demander à ses laborieux adeptes, tout aussitôt on décida, d’une voix unanime, qu’il fallait attaquer le dernier problème, c’est-à-dire la gravure des épreuves.

Ce problème présentait de grandes difficultés. On ne pouvait songer à graver avec la plaque daguerrienne ; la non-réussite de M. Fizeau montrait qu’il n’y avait rien à attendre de ce côté. Mais il restait les épreuves sur papier. Il n’était pas impossible de transporter sur le cuivre ou l’acier, l’empreinte d’un cliché sur verre, et cette empreinte, si elle était composée d’une substance inattaquable par l’eau-forte, pouvait permettre d’obtenir une planche gravée sur métal.

C’était là une idée excellente. Aussi vint-elle en même temps à deux habiles praticiens, à M. Talbot et à M. Niépce de Saint-Victor. En faisant usage de bichromate de potasse comme matière impressionnable à la lumière, M. Talbot parvint à graver sur acier, au moyen d’une épreuve photographique, des objets transparents. Mais il ne put obtenir ainsi que des silhouettes d’objets laissant tamiser la lumière, tels que feuilles d’arbre, découpures, dentelles, etc. ; il ne réussit point à reproduire les ombres. Son procédé ne pouvait donc s’appliquer à la gravure des images photographiques.

M. Niépce de Saint-Victor fut plus heureux ; seulement il n’eut pas besoin de se mettre en frais d’imagination. Nicéphore Niépce, son parent, avait, comme nous l’avons raconté, réussi à graver sur étain les images formées dans la chambre obscure. M. Niépce de Saint-Victor se borna à appliquer le même procédé pour graver, sur acier, une épreuve de photographie. Voici donc le procédé que fit connaître, en 1853, M. Niépce de Saint-Victor, pour transporter sur acier un cliché photographique.

On étend sur la surface bien polie d’une plaque d’acier, une couche de bitume de Judée, dissous dans l’essence de lavande. Ce vernis, exposé à une chaleur modérée, se dessèche ; on le maintient ensuite à l’abri de la lumière et de l’humidité. Pour obtenir sur la plaque ainsi préparée, la reproduction d’une épreuve photographique, on prend une épreuve positive obtenue sur verre, ou bien sur papier ciré, et par conséquent transparente. On applique cette épreuve positive contre la plaque métallique, et l’on expose le tout à la lumière solaire ou diffuse, pendant un quart d’heure pour le premier cas, une heure pour le second. Au bout de ce temps, la lumière, traversant les parties diaphanes du dessin, a modifié la substance résineuse qui recouvre la plaque. Si on lave alors cette plaque avec un mélange formé de trois parties d’huile de naphte et d’une partie de benzine, on fait disparaître, en les dissolvant, les parties de l’enduit résineux que la lumière n’a pas touchées, c’est-à-dire les parties qui correspondent aux noirs de l’épreuve photographique.

On a produit de cette manière, une planche d’acier, sur laquelle le dessin de l’image photographique est retracé à l’aide d’une légère couche de bitume de Judée, qui correspond aux parties éclairées de l’image. Par conséquent, si l’on traite cette planche par l’eau-forte, on attaque l’acier dans les parties non abritées par le corps résineux, et l’on obtient une planche en creux qui, plus tard, encrée et soumise au tirage, donne un nombre indéfini d’épreuves sur papier, parfaite-