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collé sur une lame de verre. À la vue simple on ne distinguait qu’un carré de papier, avec une tache noire au milieu ; mais si l’on regardait cette tache noire à travers un microscope grossissant deux à trois cents fois, une véritable photographie, très-nette et très-nuancée, apparaissait dans l’instrument.

L’une de ces photographies microscopiques renfermait le texte imprimé de la proclamation de l’empereur Napoléon III à l’armée d’Italie. Vue à l’œil nu, elle était comme un atome ; si on la regardait au microscope, on lisait : Soldats ! je viens me mettre à votre tête, etc.

Outre le photographe de Manchester, M. Wagner, M. Bernard et M. Nachet avaient présenté à l’Exposition de 1859, des échantillons de photographies microscopiques.

Mais la nécessité d’employer un microscope aurait empêché les photographies réduites de prendre aucune extension. Vers 1860, un photographe de Paris, M. Dagron, aborda cette question en face, et parvint à triompher de toutes les difficultés qu’elle présentait. Aujourd’hui, on trouve dans le commerce, en quantités considérables, des lorgnettes lilliputiennes, dans lesquelles on aperçoit des portraits, des monuments, des vues, quand on les interpose entre l’œil et la lumière. Ces petits bijoux se placent également dans une bague ou dans un porte-plume. Quand on dévisse la minuscule lorgnette, pour en examiner l’intérieur, on n’y voit qu’un point noir : c’est l’épreuve photographique, appliquée elle-même sur une petite tige de verre bombée, longue de 5 à 6 millimètres, et grosse comme une allumette de cire. C’est ce bout de baguette de verre qui fait fonction de microscope, pour agrandir et rendre visible l’épreuve photographique.

Par quel procédé s’obtient cet infiniment petit, qu’il faut obtenir parfait du premier coup, parce qu’ici toute retouche est impossible ? C’est ce que nous allons expliquer.

Les épreuves s’obtiennent par le procédé à l’albumine, qui, seul, donne les grandes finesses indispensables au cliché.

Le cliché que l’on prépare pour le réduire à des dimensions microscopiques, est à peu près de la grandeur d’une carte de visite photographique ; on le réduit à l’état microscopique au moyen d’une lentille biconvexe à très-court foyer. L’image reçue dans une chambre noire, vient impressionner une plaque de verre collodionnée, de 2 centimètres de hauteur sur 7 centimètres ½ de longueur, sur laquelle se produisent à la fois, 20 photographies microscopiques, comme il sera expliqué plus loin. On fixe, par les procédés ordinaires, cette image qui, obtenue avec un cliché négatif, est positive. C’est ce petit cliché positif qui, découpé ensuite en petits fragments, fournit les bijoux photographiques.

Le mérite de M. Dagron, c’est d’avoir appliqué le microscope Stanhope à rendre visible cette miniature.

On appelle microscope Stanhope une demi-lentille obtenue simplement en coupant en deux un globule de cristal de crown. En appliquant sur une baguette de verre cette demi-sphère de cristal de crown, on obtient un microscope dont l’effet grossissant est de trois à quatre cents fois. M. Dagron eut donc l’idée de placer ces petites images microscopiques devant un microscope Stanhope, composé simplement d’une baguette de verre portant à l’un de ses bouts la petite calotte de crown. Il suffisait dès lors d’appliquer entre l’œil et la lumière la photographie ainsi disposée, pour agrandir et permettre de voir très-nettement l’épreuve lilliputienne.

Tel est le principe général des photographies microscopiques de M. Dagron. Seulement, la préparation de ces clichés en miniature est tellement en dehors des opérations habituelles de la photographie, qu’il a fallu créer tout un matériel et tout un outillage spécial. Autant il est facile de mettre l’image au foyer, dans la chambre obscure ordinaire.