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On prend un cliché positif sur verre, du portrait, ou du modèle à reproduire. D’autre part, on prépare une surface sensible, en versant sur une lame de verre (fig. 67) une couche impressionnable, consistant en une dissolution de bichromate de potasse mélangée de gomme.

Fig. 67. — Préparation de la couche sensible de bichromate de potasse et de gomme, pour obtenir le cliché positif destiné à la photographie sur émail.

Sur la lame de verre qui a reçu cette couche sensible, on applique le cliché positif du modèle à reproduire, et on l’expose à l’action de la lumière, dans un châssis à reproduction. Nous avons déjà dit plusieurs fois que la lumière frappant le mélange d’un bichromate alcalin et d’une matière gommeuse ou mucilagineuse, modifie de différentes manières les propriétés de ce mélange. Ici, la lumière frappant à travers les transparents du cliché positif, le mélange de bichromate de potasse et de gomme donne aux parties ainsi touchées par la lumière la propriété de happer, de saisir, de retenir les matières pulvérulentes, telles que le charbon. Si donc on retire, après un temps d’exposition convenable, la lame de verre du châssis à reproduction, et que l’on saupoudre la couche sensible impressionnée par la lumière, soit avec un pinceau, soit avec un léger tamis de soie, de poudre de charbon (charbon de pêcher), la fine poussière charbonneuse s’attachera seulement aux parties que la lumière a touchées, c’est-à-dire aux noirs, et ne se fixera point sur les parties claires non touchées par la lumière à travers les transparents du cliché. On verra dès lors apparaître une image positive. Rien n’était visible sur la surface impressionnée par la lumière, avant qu’on y promenât le pinceau chargé de poudre de charbon ; mais à mesure qu’on y promène cette poudre, on voit l’image apparaître, absolument comme si le pinceau d’un artiste invisible crayonnait cette surface.

Rien n’est plus curieux que cette opération, qui correspond au développement dans la photographie ordinaire : la poudre de charbon développe l’image latente sur la couche de bichromate de potasse et de gomme, comme l’acide gallique développe et fait apparaître l’image latente sur la glace collodionnée sortant de la chambre noire. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est la finesse et la fidélité avec lesquelles les demi-teintes apparaissent dans cette opération. Ce qui est vraiment merveilleux dans les propriétés du mélange dont nous parlons, c’est que ce ne sont pas seulement les grandes masses d’ombre et de lumière, mais encore les nuances et dernières dégradations des demi-teintes, qui l’impressionnent. Cette dernière circonstance est ce qui fait la grande portée, ce qui a permis les applications si nombreuses de la découverte de M. Alphonse Poitevin.

L’épreuve photographique ainsi développée par la poudre de charbon, n’aurait pas une stabilité suffisante. Pour la consolider et lui donner la résistance nécessaire, on y passe, à l’aide d’un pinceau, une couche de collodion normal, c’est-à-dire de collodion ne renfermant ni sel d’argent, ni aucun autre produit étranger. Le collodion, en s’évaporant, laisse un enduit transparent, qui fixe et maintient les particules du charbon composant le dessin.

C’est alors qu’on exécute une opération fort délicate, et qui exige une main exercée. Il s’agit de détacher de la lame de verre, toute la pellicule organique qui compose l’épreuve,