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Après le père Leurechon, plusieurs autres savants ont exprimé la même idée, ou plutôt le même rêve. Tel fut, par exemple, Souchu de Tournefort.

Fig. 30. — Cadran mystique du père Leurechon.

Souchu de Tournefort est l’auteur d’un petit livre publié en 1689, sous ce titre : l’Aimant mystique, et dans lequel les vertus de l’aimant sont rattachées aux préceptes de la religion chrétienne. Il fait mention dans ce livre des idées de Strada ; seulement il les trouve exagérées, et prétend que tout ce que l’on peut faire par ce moyen, c’est de correspondre d’une chambre à une autre. Ce passage du livre de Souchu de Tournefort montre que l’on avait pris au sérieux la pensée émise par Strada sous une forme peut-être ironique.

L’appareil au moyen duquel on essaya de tirer parti de cette idée, et auquel Souchu de Tournefort fait allusion, est bien probablement le même qui se trouve décrit dans un ouvrage qui fut publié plus tard, et qui était assez répandu au dernier siècle : Les nouvelles récréations physiques et mathématiques de Guyot[1] ; l’auteur le décrit, en effet, comme un appareil déjà connu.

Dans cet appareil dont Guyot donne la figure et explique longuement le mécanisme, il s’agit de faire répéter à une aiguille placée au milieu d’un cadran qui porte des lettres ou des chiffres inscrits autour de sa circonférence, tous les mouvements d’une autre aiguille semblable, placée sur un cadran tout pareil. L’attraction de l’aiguille par un aimant caché au-dessous, est le principe du mouvement de cet appareil, qui se compose d’éléments purement mécaniques assez simples, mais dont nous passerons la description sous silence.

Sans nul doute ce petit instrument n’avait rien de commun avec un télégraphe électrique, car son jeu provenait d’organes mécaniques et non de l’électricité. Il est bien remarquable pourtant de voir une idée de ce genre réalisée mécaniquement au siècle dernier avant même la découverte des phénomènes électriques, et c’est ce qui nous a engagé à la rappeler ici.

Ce qui manquait aux appareils de Strada et à ses imitations, c’était l’agent électrique pour mettre en communication, à travers une grande distance, deux cadrans, ou un appareil quelconque destiné à exécuter des signaux. Les propriétés diverses de l’électricité, et surtout celle d’être transmise à distance avec une rapidité incommensurable, étaient à peine connues que l’idée vint aussitôt aux physiciens d’en tirer parti pour l’exécution d’un télégraphe.

La première mention qui ait été faite d’un appareil de ce genre, le premier appareil qui ait été proposé pour appliquer l’électricité à la transmission de la pensée, fut publiée par un recueil écossais, le Scot’s Magazine, dans une lettre signée d’une simple initiale, et écrite de Renfrew, le 1er février 1753[2]. Il ne sera pas sans intérêt de reproduire ce document.


« Monsieur,

« Tous ceux qui s’occupent d’expériences d’électricité savent que la puissance électrique peut se propager, le long d’un fil, d’un lieu à un autre, sans

  1. 4 vol. in-8. Paris, 1769 (tom. I).
  2. Vol. XV, p. 88.