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« La brèche est faite au bastion no 25 ; prenez vos dispositions pour que l’assaut soit donné demain matin.

« Rentrez au camp. »

Dans ces expériences, où des messages, des phrases militaires furent transmis avec une fidélité étonnante, au moyen de postes de clairons, à une distance de 10 kilomètres, on s’était servi seulement des trois notes du clairon d’ordonnance : sol, ut, sol.

Le ministre de la guerre ne donna pas suite, avons-nous dit, au projet dont l’inventeur avait été bercé en 1841 : l’adoption de son système de télégraphie acoustique dans l’armée française, et la création d’une école spéciale de téléphonie. Mais en 1855, le jury de l’Exposition universelle, présidé par le prince Napoléon, lui décerna une récompense de 10 000 francs pour son invention de la langue musicale universelle et de la téléphonie.

François Sudre, à tort ou à raison, a cru que l’administration de la guerre avait tenu bonne note de l’invention qu’elle n’avait pas voulu officiellement adopter. Ce qui est positif, c’est qu’en 1855, pendant la guerre de Crimée, on fit quelque usage de la téléphonie. Ce fait est établi par une lettre que François Sudre adressa au journal la Presse, à l’occasion d’un article que nous avions publié sur son invention. Sudre écrivait ce qui suit à la Presse, le 8 septembre 1856 :

« Si j’en crois le récit d’un grand nombre d’officiers et soldats-clairons revenant de l’armée d’Orient, un usage absolument semblable aurait été fait dans un but utile, afin d’éviter à nos travailleurs d’être surpris par les sorties nocturnes que faisaient les Russes. (Voir, à ce sujet, la Presse du 28 février 1855.)

« Mais voici qui est plus explicite ; j’écris ce qui suit sous la dictée d’un capitaine d’état-major :

« À mesure, dit-il, que nos travaux se rapprochaient de Sébastopol, les Russes faisaient de temps en temps des sorties nocturnes, pour attaquer nos travailleurs ; il en est résulté du retard dans l’exécution de nos travaux. Alors un grand nombre d’officiers pensèrent qu’il était urgent d’établir des lignes de clairons, afin de prévenir, d’un bout à l’autre des tranchées, que l’ennemi attaquait sur tel ou tel point. Une fois ces lignes établies, les clairons de chaque compagnie répétaient les signaux convenus, et l’armée de réserve, située à un endroit qu’on appelait le Clocheton, était prévenue de se tenir prête à marcher, par un poste intermédiaire, du Clocheton à la première parallèle. Après un signal donné, on faisait entendre quelques notes isolées pour indiquer si l’on s’adressait à la droite, à la gauche ou au centre ; et, chose remarquable, ajoute cet officier, c’est que, pendant la fusillade et même la canonnade, le son du clairon dominait entièrement. »

Cette correspondance téléphonique, semblable en tout point à celle qui avait été pratiquée en 1850, du Champ-de-Mars à Rueil, au moyen de plusieurs postes de clairons, rendit un véritable service, puisque nos travailleurs ne furent plus inquiétés.

Pour résumer l’exposé qui précède, il suffira de mettre sous les yeux du lecteur le tableau des notes de la gamme, qui ont été employées par François Sudre dans les diverses périodes du perfectionnement de son système. Voici ce tableau, dans lequel, on le remarquera, ne figurent que les notes qui peuvent seules être données par le clairon.

Système de 1829.
Système de 1841.

Système de 1850, qui paraît le meilleur en ce qu’il réunit deux moyens de communication qui s’exécutent simultanément. Le tambour et le canon peuvent également désigner ces trois sons, qui, de plus, se signalent à la vue par trois disques ou trois fanaux.
Système de l’unité.

Après tous les jugements favorables qui ont été exprimés sur le compte de la téléphonie, on est surpris il faut le dire, de ne l’avoir jamais vu adopter dans les armées. Ce système est connu depuis de longues années, il a été expérimenté un nombre considérable de fois ; comment se fait-il donc que ni en France