Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/666

Cette page a été validée par deux contributeurs.

truction publique crut devoir soulever, à cette occasion, devant la même compagnie, la question générale de l’innocuité des inhalations anesthésiques. Dans ce problème solennel, posé à la science par les intérêts de l’humanité, il y avait une occasion brillante, pour l’Académie de médecine, de justifier la haute mission dont elle est investie. Elle s’empressa de la saisir, et à la suite du rapport présenté par Malgaigne, s’élevèrent de longs et intéressants débats, dans lesquels toutes les questions qui se rattachent à l’emploi des anesthésiques furent successivement approfondies. Les conclusions adoptées à la suite de cette discussion remarquable innocentèrent le chloroforme, qui sortit vainqueur du débat académique. Cependant le public médical est loin d’avoir entièrement ratifié les conclusions de la savante compagnie, en ce qui touche l’innocuité du chloroforme. Plusieurs faits sont venus, depuis cette époque, apporter dans la question de tristes et irrécusables arguments, et imposer aux chirurgiens une réserve parfaitement justifiée. Aussi l’emploi de l’éther, quelque temps abandonné, a-t-il repris une faveur nouvelle. Dans l’état présent des choses, les deux agents anesthésiques sont mis en usage concurremment et pour répondre aux indications respectives qui commandent leur choix. Employés aujourd’hui selon les préceptes généraux inscrits dans la science, ils concourent tous les deux à la pratique de la méthode anesthésique entrée définitivement, et pour n’en plus sortir, dans les habitudes chirurgicales.


CHAPITRE VI

tableau des phénomènes de l’anesthésie.

Une description sommaire des effets généraux des agents anesthésiques ne sera pas déplacée dans cette Notice. L’ensemble des phénomènes qui se développent sous leur influence, au sein de l’économie, a révélé, dans l’ordre des actions vitales, une face si surprenante et si nouvelle, la physionomie de ces faits est empreinte d’un caractère si original et si tranché, ils bouleversent sur tant de points toutes les notions acquises, ils ouvrent à la physiologie et à la philosophie elle-même un horizon si étendu, qu’il importe au plus haut degré qu’ils soient bien connus et bien compris de toutes les personnes qui attachent quelque importance à l’étude des problèmes de la science des êtres vivants.

Pour faciliter la description de cet état nouveau, que l’on peut désigner sous le nom d’état anesthésique, nous commencerons par présenter l’ensemble des phénomènes extérieurs que l’observation permet de constater chez un individu placé sous une telle influence. Cet exposé général préliminaire nous permettra de pénétrer ensuite plus aisément dans l’analyse intime de ces différents effets. L’éther, présentant une action plus lente et plus ménagée que celle du chloroforme, permet de suivre plus aisément l’ordre et la succession des phénomènes : c’est donc l’éther sulfurique qui nous servira de type dans cette exposition.

Quand un individu bien portant et placé dans des conditions qui permettent de saisir les impressions qu’il éprouve, est soumis, à l’aide d’un appareil convenable, à l’inhalation des vapeurs éthérées, voici, d’une manière assez régulière, la série de phénomènes qu’il est permis de constater chez lui.

L’inspiration des premières vapeurs provoque toujours une impression pénible ; la saveur forte de l’éther et l’action irritante qu’il exerce sur la muqueuse buccale produisent un resserrement spasmodique de la glotte, qui amène de la toux et un sentiment de gêne dans les mouvements respiratoires. Cependant cette première impression ne tarde pas à s’effacer, et la muqueuse s’habituant à ce contact, les vapeurs éthérées commencent à