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taille et se mit en relations avec le quartier général par un fil télégraphique. Pendant une heure, les mouvements de l’ennemi furent signalés avec exactitude. Une demi-heure plus tard, la dépêche porta : Sortie de la maison Cadeys. Mac Clellan put, en un instant, donner ordre d’avancer au général Heinsselmann et prescrivit au général Summer, qui était déjà au delà de Chikahominy, de marcher tout de suite sur la petite rivière. Les deux divisions purent, en deux heures de temps, être réunies en face de l’ennemi et défendre le champ de bataille à la baïonnette. Partout où les assiégés hasardèrent une attaque, ils furent repoussés avec une perte considérable et furent attaqués par des forces supérieures sur les points les plus faibles. Ils dirigèrent contre le ballon un canon rayé, d’une énorme portée. Les projectiles firent explosion près du ballon, et si près que les aéronautes jugèrent convenable de s’éloigner. Le ballon fut descendu à terre, lancé dans une autre direction et assez haut pour être hors de la portée des pièces ennemies. Il fut mis de nouveau en communication avec la terre ferme, et l’armée assiégeante eut avis que de fortes masses de troupes accouraient sur le champ de bataille dans une autre direction. Dès qu’elles furent arrivées à la portée du canon des fédéraux, elles se virent prévenues avec une rapidité qui dut leur paraître inconcevable. Il semblait que le Dieu des batailles les eût complètement abandonnées en ce jour. Elles se voyaient conduites en avant pour servir de but aux canons des Yankees. Elles ne pouvaient suivre aucune direction, sans rencontrer un mur de baïonnettes impénétrable. Toutes les tentatives de l’armée du Sud pour enfoncer les lignes ennemies ayant échoué, Mac Clellan commanda une attaque générale à la baïonnette et repoussa ses adversaires avec une perte énorme. Ce général n’eût pu obtenir un succès aussi complet sans le secours du ballon et de l’appareil dont il était muni[1]. »

Tout cela prouve que l’emploi des aérostats dans les armées, pourrait rendre des services réels. Aussi dans la brochure que nous avons citée plusieurs fois, M. de Gaugler conclut-il à la réorganisation du corps des aérostiers militaires, après avoir répondu aux principaux arguments que l’on peut élever contre leur usage.

« Il y a là, dit cet officier, un grave sujet d’examen pour un gouvernement ; seulement il faudrait qu’il fût consciencieusement approfondi. La question des armes de précision est moins sérieuse qu’elle ne le paraît de prime abord ; un ballon distant de 1 000 mètres et élevé de 500 n’est pas un but facile à atteindre, et est à cette distance un observatoire commode. Les anciens aérostiers ont eu les leurs percés à Frankenthal et à Francfort, à Frankenthal de neuf balles, et ils eurent le temps de rester encore trois quarts d’heure en observation avant d’être forcés à descendre. »

Il est certain qu’un ballon captif percé par une balle, ne serait pas compromis sans retour, et qu’il ne se verrait point, pour cela, forcé d’opérer de quelque temps sa descente. Disons seulement ce qu’aurait à craindre l’aéronaute militaire. Si l’on parvenait à faire pénétrer dans le ballon, au lieu d’une balle ordinaire, un morceau d’éponge de platine, et que ce métal tombât à l’intérieur du ballon plein de gaz hydrogène, il déterminerait l’inflammation de ce gaz, par la propriété que possède le platine, sous cette forme, de provoquer, par sa seule présence, cette action que les chimistes désignent sous le nom de force catalytique, l’inflammation du gaz hydrogène. Mais ne serait-il pas bien difficile que le projectile demeurât engagé juste à l’intérieur du ballon, au lieu de le traverser de part en part ? M. de Gaugler prévoit le cas que nous considérons ; et vous allez voir avec quelle résignation, toute militaire, il envisage cette fatale extrémité. « Au pis aller, dit-il, on sauterait, et cela n’arriverait pas tous les jours. Ce sont des désagréments dont il est difficile de s’affranchir absolument à la guerre. »

Le militaire français se reconnaît à ce noble langage. Nous voulons clore ce chapitre sur ce trait remarquable.


CHAPITRE XXI

conclusion. — applications futures des aérostats aux recherches scientifiques. — la direction des ballons.

Nous venons de passer en revue les emplois principaux qui ont été faits des aérostats de-

  1. Extrait d’un article du Journal militaire de Darmstadt, intitulé : Application à l’art de la guerre des aérostats et de la télégraphie, traduit de l’allemand par M. d’Herbelot, colonel d’artillerie en retraite. Brochure in-8 de 26 pages.