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— 9 degrés et demi. On voit par la différence de ces résultats combien il est difficile de procéder à des expériences de ce genre, et à quelles divergences contradictoires on peut s’attendre.

Ce froid extraordinaire congelait l’humidité du nuage, en formant une multitude de petites aiguilles de glace aux arêtes vives et aux facettes polies. Ces aiguilles se montraient en telle abondance qu’elles tombaient comme un sable fin, et se déposaient sur le carnet des observateurs.

Les effets physiologiques ne présentèrent rien de particulier à nos observateurs. MM. Barral et Bixio n’eurent ni douleurs d’oreilles, ni hémorrhagie, ni gêne de la respiration.

Par ce froid extraordinaire de — 39°, ils n’étaient pas fort à l’aise, assis dans une nacelle où ils ne s’étaient pas prémunis contre un abaissement si considérable de la température. Leurs doigts engourdis finirent par les fort mal servir, à tel point qu’un des thermomètres à rayonnement se brisa entre leurs mains. Au même moment ils perdirent, en voulant l’ouvrir, un des ballons vides qu’ils avaient emportés, dans l’intention d’y recueillir de l’air.

Cependant la déchirure de leur ballon devait les forcer à descendre assez promptement. Il fallut, bon gré, malgré, regagner la terre. La chute fut même assez violente.

En touchant terre au hameau de Peux, dans l’arrondissement de Coulommiers (Seine-et-Marne), MM. Bixio et Barral avaient complètement épuisé leur lest ; ils avaient même jeté comme tel, tout ce qui, hors les instruments, leur avait paru capable de soulager la nacelle.

Partis à 4 heures, ils arrivèrent à 5 heures 30 minutes, après avoir parcouru une distance de 69 kilomètres. La manœuvre délicate du débarquement s’effectua sans accident.

Il ne restait plus qu’à gagner le chemin de fer, et à prendre au passage le train venant de Strasbourg. Un accident aussi contrariant que vulgaire vint encore signaler cette partie du voyage qu’il fallut faire en charrette. Le chemin était mauvais, le cheval s’abattit, et le choc entraîna la perte de deux instruments, d’un baromètre, et du seul ballon qui restât rempli d’air pour être soumis à l’analyse. Pour compléter le récit qui précède, nous croyons devoir donner un extrait du Journal du voyage de MM. Barral et Bixio.

« Les instruments divisés que nous avons emportés, disent MM. Barral et Bixio, ont été construits par M. Fastré, sous la direction de M. Regnault. Les tables de graduation ont été dressées dans le laboratoire du Collége de France ; elles n’étaient connues que de M. Regnault.

« Le ballon est celui de M. Dupuis-Delcourt, qui a servi à notre première ascension ; il est formé de deux demi-sphères ayant pour rayon 4m, 08, séparées par un cylindre ayant pour hauteur 3m,08, et pour base un grand cercle de la sphère. Son volume total est de 729 mètres cubes. Un orifice inférieur, destiné à donner issue au gaz pendant sa dilatation, se termine par un appendice cylindrique en soie, de 7 mètres de longueur, qui reste ouvert pour laisser sortir librement le gaz pendant la période ascendante. La nacelle se trouve suspendue à 4 mètres environ au-dessous de l’orifice de l’appendice, de manière que le ballon complètement gonflé est resté distant de la nacelle de 11 mètres et qu’il n’a pu gêner en rien les observations. Les instruments sont fixés autour d’un large anneau en tôle qui s’attache au cerceau ordinaire en bois portant les cordes de la nacelle. La forme de cet anneau est telle que les instruments sont placés à une distance convenable des observateurs.

« Notre projet était de partir vers 10 heures du matin ; toutes les dispositions avaient été prises pour que le remplissage de l’aérostat commençât à 6 heures. MM. Véron et Fontaine étaient chargés de cette opération.

« Malheureusement, des circonstances indépendantes de notre volonté, et provenant de la nécessité de bien laver le gaz, pour qu’il n’attaquât pas le tissu de l’aérostat, ont occasionné des retards, et le ballon ne fut prêt qu’à 1 heure. Le ciel, qui avait été très-pur jusqu’à midi, se couvrit de nuages, et bientôt une pluie torrentielle s’abattit sur Paris. La pluie ne cessa qu’à 3 heures, la journée était trop avancée, et les circonstances atmosphériques trop défavorables, pour que nous pussions avoir l’espoir de remplir le programme que nous nous étions proposé. Mais l’aérostat était prêt, de grandes