Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mes télégraphiques, tels que celui de Villalongue, qu’approuvait Arago, et celui de Gonon, qui fut essayé sur la butte Montmartre. Tous ces appareils étaient de beaucoup inférieurs à celui de Chappe.

Un perfectionnement avantageux fut néanmoins apporté au système de Chappe. Déjà sous l’Empire, l’inspecteur Durand avait proposé de rendre le régulateur immobile, et de placer au-dessous un régulateur plus petit et mobile, c’est-à-dire pouvant tourner autour d’un centre. Les frères Chappe avaient repoussé cette innovation, désireux de conserver à leur machine sa forme primitive. Cette idée fut reprise et transportée dans la pratique, par l’administrateur que la révolution de 1848 avait mis à la tête du service télégraphique, M. Ferdinand Flocon.

Ce système, que l’on a appelé à tort le système Flocon, avait l’avantage d’offrir moins de prise au vent, de faciliter le jeu des manivelles, et de rendre d’un tiers plus rapide le passage des signaux. Il fut établi sur la ligne de Calais à Boulogne, et sur une partie de la ligne du Midi. Il se serait probablement généralisé partout, si, à cette époque, les jours de la télégraphie aérienne n’avaient été déjà comptés.

Nous voici arrivés à l’année 1830, époque critique pour la télégraphie.

Le gouvernement provisoire de juillet 1830, afin de diriger et de surveiller le mouvement politique, en ce moment de crise, s’était empressé de mettre la main sur les télégraphes. Sur la demande de Bérard, membre du gouvernement provisoire, un député nommé Marchal, fut nommé commissaire du gouvernement près les télégraphes.

Le commissaire du gouvernement de juillet intima au directeur l’ordre de lui livrer le vocabulaire.

Les frères Chappe régnaient en maîtres, depuis vingt ans, dans cette administration, qu’ils regardaient, avec raison, comme leur patrimoine, comme un privilége attaché à leur nom, comme une récompense des services rendus par leur famille. Cette autorité despotique et sans contrôle, qu’ils exerçaient sur toute l’administration, et qui mettait à leur merci la situation des fonctionnaires et des agents, à tous les degrés de l’échelle des emplois, était peut-être nécessaire pour un service dont la régularité eût été compromise par la désobéissance ou l’infidélité d’un seul agent. Les Chappe avaient donc seuls l’intelligence du vocabulaire, et ils n’en rendaient compte qu’au roi. Ils ne relevaient que d’eux-mêmes, pour les nominations des employés. Toutes ces habitudes, peu conformes sans doute aux principes de l’administration actuelle, étaient dans l’esprit du temps, comme dans celui d’une institution, qui avait pour base le secret le plus rigoureux. Mais le gouvernement de 1830 ne s’accommoda pas d’un tel système. Il voulut briser les résistances des administrateurs qui régnaient en souverains irresponsables dans le domaine de la télégraphie.

Comme il fallait que quelqu’un cédât, les frères Chappe donnèrent leur démission.

Par une ordonnance royale du mois d’octobre 1830, M. Marchal fut nommé administrateur provisoire des télégraphes. La même ordonnance mettait à la retraite Réné Chappe[1].

Réné Chappe avait été mis à la retraite pour ses démêlés avec le gouvernement provisoire. Ignace fut également mis à la retraite, tout simplement parce qu’on avait besoin de sa place. Il avait pourtant prêté serment au gouvernement provisoire, « comme j’en avais prêté dix autres ! » ajoute-t-il, dans une brochure publiée au Mans, où il s’était retiré.

Hâtons-nous de dire que le gouvernement de juillet se montra assez mal inspiré dans cette affaire. Le nom des inventeurs de la télégraphie est une des gloires de la France ;

  1. É. Gerspach, Histoire de la télégraphie aérienne en France, p. 81.