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Il y avait à Chambéry, en 1860, une exposition des Beaux-Arts. La première chose que l’on rencontrait, en entrant dans le vestibule, était un cadre renfermant trois petits chefs-d’œuvre de calligraphie. De ces trois dessins à la plume, l’un était le portrait du cardinal de Richelieu, l’autre, celui de Morozzo, trésorier général de Savoie, le troisième, celui du Titien. On lisait au-dessous du portrait du cardinal de Richelieu : « Fait par Lavin à la Bastille. » Voici maintenant l’histoire de ces trois dessins à la plume.

Lavin était un habitant de la Savoie, qui avait un talent extraordinaire comme calligraphe. Par malheur, il se laissa aller à tirer de son talent un parti criminel. Il contrefit les mandats du Trésor public, et se rendit à Paris, pour essayer de mettre en circulation ces faux mandats. Mais il ne réussit qu’à se faire arrêter et conduire à la Bastille. De la Bastille, il fut transporté au fort de Miolan, puis condamné à mort.

Grâce à des protecteurs amis des arts, sa peine fut commuée en une détention perpétuelle. C’est pour occuper ses loisirs dans sa prison, et remercier le trésorier général de la Savoie, Morozzo, qui avait intercédé en sa faveur, qu’il exécuta le portrait de ce dernier, ainsi que celui du cardinal de Richelieu. Ensuite, il fit, en quatre jours, le portrait du Titien, avec de petites pailles taillées en forme de plumes.

Il espérait que ces trois petits chefs-d’œuvre lui feraient obtenir sa grâce ; mais son attente fut déçue. Voyant que sa prison ne s’ouvrait pas, Lavin résolut de l’ouvrir lui-même. La porte était bien fermée et bien gardée, mais il lui restait la fenêtre.

Le fort Miolan est placé au-dessus de l’Isère, qu’il domine d’une grande hauteur ; de sorte qu’on ne jugeait pas à propos de placer de sentinelle au bord de l’eau, c’est-à-dire au pied du rempart. Lavin réussit à se procurer un parapluie, dont il attacha fortement les bords au manche ; puis, un soir, profitant de la solitude et de l’obscurité, il se lança dans le vide, tenant son parapluie ouvert, et plaçant bien perpendiculairement le manche, auquel il se tenait fortement accroché. Il tomba, sans se faire aucun mal, dans le fleuve même, d’où il se tira facilement.

Malheureusement pour lui, il fut repris, et réintégré au fort. Il y vécut jusqu’à l’âge de 92 ans, faisant toujours des dessins à la plume, tout aussi remarquables que les trois chefs-d’œuvre qui figuraient à l’Exposition de Chambéry.

Mais revenons à Garnerin.

Fig. 298. — Jacques Garnerin.

Rendu à la liberté, en 1797, Jacques Garnerin en profita pour mettre à exécution le projet qu’il avait conçu dans les prisons de Bude. Il voulut reconnaître si le parachute, avec les dimensions et la forme qu’il avait calculées, ne pourrait pas être utile, comme moyen de sauvetage dans les voyages aérostatiques. Il exécuta cette courageuse expérience, le 22 octobre 1797.

À 5 heures du soir, Jacques Garnerin