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à l’inventeur s’en servit heureusement à la foire de Guibray.

Il n’en fut pas de même d’un certain Bernon, qui, à Francfort, se cassa le cou, en essayant de voler.

La tradition rapporte que, sous Louis XIV, un danseur de corde, nommé Alard, annonça qu’il ferait devant le roi, à Saint-Germain, une expérience de vol aérien. Il devait s’élancer de la terrasse, et se rendre, par la voie de l’air, jusque dans le bois du Vésinet. Il paraît qu’il se servait d’une sorte de pales ou plans inclinés, à l’aide desquels il comptait s’abaisser doucement vers la terre. Il partit ; mais l’appareil répondant mal aux vues de sa construction, le maladroit Dédale tomba au pied de la terrasse, et se blessa dangereusement.

À une époque plus rapprochée de la nôtre, le marquis de Baqueville eut, à Paris, un sort à peu près semblable. Il avait construit d’énormes ailes, pareilles à celles qu’on donne aux anges ; il annonça qu’il traverserait la Seine en volant, et viendrait s’abattre dans le jardin des Tuileries. L’hôtel du marquis de Baqueville était situé sur le quai des Théatins, au coin de la rue des Saints-Pères. Il s’élança de sa fenêtre, et s’abandonna à l’air. Il paraît que dans les premiers instants, son vol fut assez heureux ; mais lorsqu’il fut parvenu au milieu de la Seine, ses mouvements devinrent incertains, et il finit par tomber sur un bateau de blanchisseuses. Le volume de ses ailes amortit un peu la chute : il en fut quitte pour une cuisse cassée.

En 1772, l’abbé Desforges, chanoine à Étampes, fit publier, par la voie des journaux, l’annonce de l’expérience publique d’une voiture volante de son invention. Au jour indiqué, un grand nombre de curieux répondirent à cet appel. On trouva le chanoine installé, avec sa voiture, sur la vieille tour de Guitel. Sa machine était une sorte de nacelle, munie de grandes ailes à charnières. Elle était longue de sept pieds, et large de trois et demi. Selon l’inventeur, tout avait été prévu ; la gondole, qui pouvait, au besoin, servir de bateau, devait faire trente lieues à l’heure ; ni les vents, ni la pluie, ni l’orage, ne devaient arrêter son essor.

Le chanoine entra dans sa voiture, et le moment du départ étant venu, il déploya ses ailes, qui furent mises en mouvement avec une grande vitesse. Mais, il ne put réussir à prendre son vol.

L’auteur anonyme d’un ouvrage intitulé Essai sur l’art du vol aérien, donne les détails qui vont suivre, sur le bateau volant du chanoine Desforges.

« M. Desforges, chanoine de Sainte-Croix, à Étampes, persuadé de la possibilité de voler, fit une voiture volante. Jaloux de son travail, le regardant moins comme un moyen de s’illustrer que comme celui de se procurer une plus grande fortune, il fit insérer, dans les papiers publics, qu’il avait trouvé l’art de voler ; mais il ajouta qu’il n’aurait pas plutôt exposé sa machine au grand jour, que sa simplicité la ferait bientôt imiter, qu’il n’était pas juste que le fruit de son travail fût perdu. En conséquence, il proposa que quand l’expérience aurait couronné du plus grand succès sa voiture volante, on lui délivrât une somme de cent mille livres, dont il demandait que la consignation fût faite chez un notaire, avant l’expérience.

Le public aime assez qu’on lui propose des expériences de ce genre, mais la somme était si forte qu’il se passa quelque temps avant que ce dépôt fut fait. Peut-être aussi que, persuadé que cette expérience n’aurait aucun succès, le public ne crut pas devoir s’en occuper. Alors le chanoine Desforges prit d’autres arrangements, qu’il proposa de nouveau. Il y a toujours de vrais citoyens qui ne méprisent aucune idée, quand elle semble tenir à une originalité qui est souvent une marque de génie. Ces citoyens se trouvèrent à Lyon, l’argent fut déposé en espèces chez un notaire de cette ville, et l’acte de dépôt et d’abandon, en cas de réussite, revêtu des formes les plus authentiques, fut envoyé au chanoine lui-même, qui n’eut plus qu’à se préparer à son expérience.

C’était dans l’été de 1772. L’expérience devait se faire à Étampes ; on y courut de toutes parts. Le chanoine se plaça effectivement dans sa voiture volante et fit mouvoir les ailes. Mais il parut aux spectateurs que plus il les agitait, plus sa machine semblait presser la terre, et vouloir s’identifier avec elle. Cette remarque sur la pression est indicative que la mécanique du chanoine avait un mouvement contraire à celui qu’il avait voulu lui donner et que