Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/485

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Fig. 281. — Mort de Pilâtre de Rozier et de Romain, sur la côte de Boulogne, le 15 juin 1785.


du traité passé entre nous. L’arrivée de madame de Saint-Hilaire dans cette ville[1], l’objet qui l’y a conduite, n’a pu que me confirmer dans cette opinion que vous n’aviez absolument aucune connaissance du travail, des soins, des dépenses et des mouvements que je me suis donnés pour le succès de cette expérience. Les longueurs et les délais qu’elle éprouve pourront au moins constater la bonté du procédé de mon enduit, ma machine étant depuis quatre mois exposée à l’intempérie de l’air dans la saison la plus mauvaise et la plus rigoureuse, sans avoir éprouvé d’altération sensible. Sans protection aucune, sans recommandation que celle que peut (sic) me donner mes faibles talents auprès d’un ministre protecteur, et soutien des arts, j’ai osé, Monseigneur, élever ma voix jusqu’à vous, vous montrer le désir que j’aurais de me rendre digne de la protection, de la bienveillance que vous accordez à ceux qui ont embrassé cette carrière. J’ai voulu vous témoigner moi-même, combien je me trouvais heureux de pouvoir, en faisant passer l’océan à madame de Saint-Hilaire, à laquelle vous vous intéressez et que vous recommandez à M. de Rozier, faire quelque chose qui puisse vous plaire et vous être agréable. Je ne fais aucun doute de l’empressement que M. de Rozier mettra à concourir à remplir à cet égard vos intentions dans toute leur teneur. »

Cette lettre est très-adroite et pleine de ménagements habiles pour le ministre à qui elle est adressée.

Cependant la pièce tant annoncée, ne se jouait pas ; depuis six mois on attendait en vain le lever du rideau. Aussi les vers satiriques et les brocards accablaient-ils, à Boulogne, le malheureux Pilâtre de Rozier. Tous les rimeurs se répandaient à l’envi contre lui, en épigrammes, en poëmes et en chansons sur tous les airs. On a conservé, parce qu’elle a été livrée à l’impression, avec la date du 10

  1. Cette dame de Saint-Hilaire voulait partir avec Pilâtre de Rozier, dans son voyage aérien. Elle s’était fait recommander par le ministre Calonne, à Pilâtre, lequel avait consenti à l’emmener. C’était là une violation de l’article 1er du traité que nous avons cité, et ce manque de foi avait déterminé Romain à se plaindre au ministre des procédés de son associé.