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plasticité du cuivre, qui devint l’origine de tous ses travaux sur l’électro-chimie. Il trouva imprimées sur une feuille de cuivre, qui provenait de la réduction du sulfate de cuivre dans une pile de Daniell, des raies et des éraillures qui correspondaient, avec la plus rigoureuse exactitude, à des raies et à des coups de lime semblables qui existaient sur le cylindre de cuivre servant d’élément à cette pile. Les circonstances d’un événement qui devait exercer une si grande influence sur les progrès de la physique et de la chimie, veulent être rapportées avec détails.

M. H. Jacobi s’occupait de recherches sur la pile de Daniell, appareil qui consiste, comme nous venons de le rappeler, en une dissolution de sulfate de cuivre, contenue dans un vase de porcelaine, qui est réduite par le gaz hydrogène provenant de la décomposition de l’eau, et qui a traversé une cloison de porcelaine perméable aux gaz (fig. 163, page 288). Dans cette pile, un cylindre de cuivre sert de conducteur négatif au courant électrique, et il plonge dans le sulfate de cuivre. En examinant le dépôt de cuivre qui s’était opéré sur le cylindre de cuivre qui formait le pôle négatif de la pile de Daniell, M. Jacobi reconnut que quelques parties de ce dépôt ne se composaient, en apparence, que de particules cristallines ; mais quand on vint à nettoyer ce cylindre, il s’en détacha des particules et des lamelles de cuivre parfaitement cohérentes.

La première pensée de M. Jacobi fut que ce résultat tenait à la mauvaise qualité du cuivre qui lui avait été fourni pour former le conducteur négatif de la pile. Il fit, à ce propos, des observations à l’ouvrier qui lui avait fourni ce métal. Ce dernier ayant repoussé avec juste raison, ce reproche, M. Jacobi examina de plus près l’objet en litige.

Quelle ne fut pas sa surprise, lorsque, regardant avec beaucoup d’attention la lamelle de cuivre dont il s’agit, il reconnut sur sa face interne, des éraillures, des traces de coups de lime et de marteau, qui reproduisaient d’une manière identique des traces semblables situées à la surface extérieure du cylindre de cuivre ! Ainsi le cuivre, en se déposant lentement au sein du liquide de la pile de Daniell et sur le conducteur négatif, avait reproduit identiquement la surface extérieure de l’objet sur lequel ses molécules s’étaient appliquées, en s’y déposant avec lenteur[1].

Cette observation fut pour M. Jacobi un trait de lumière. Il répéta l’expérience, et parvint à reproduire, par la pile de Daniell, des plaques de cuivre recouvertes de signes et de traits, en creux et en relief. Il soumit à l’action de la pile de Daniell, des plaques de cuivre sur lesquelles il avait tracé, au burin, des figures et des caractères : la décomposition du sulfate de cuivre donna naissance à des dépôts de cuivre qui offraient, en relief, l’empreinte exacte du dessin gravé en creux sur l’original.

Par l’emploi de piles d’une faible intensité et d’un courant continu, M. Jacobi réussit bientôt à obtenir en relief l’empreinte d’une plaque de cuivre gravée au burin.

Cette plaque, premier résultat satisfaisant des travaux de M. Jacobi, fut présentée à l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, le 5 octobre 1838 (17 octobre de notre style).

Le ministre de l’instruction publique la présenta à l’empereur Nicolas, qui s’empressa de mettre à la disposition de M. Jacobi les fonds nécessaires pour poursuivre ses études. La découverte du savant académicien acquit dès lors, en Russie, un très-grand retentissement.

Poursuivant ses recherches, M. Jacobi fut conduit à une découverte qui donna aussitôt un essor immense à l’art nouveau qui venait de naître inopinément entre ses mains :

  1. M. Jacobi, qui a fait un long séjour à Paris pendant l’Exposition universelle de 1867, a bien voulu nous montrer ce fragment de métal, pièce vraiment historique et que l’on ne peut s’empêcher d’examiner avec un religieux intérêt.