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C’est ici que les deux navires chargés du câble en 1858, s’étaient séparés, pour en commencer l’immersion, en se dirigeant l’un vers l’Europe, l’autre vers l’Amérique. Le Great-Eastern tenait le large depuis une semaine ; le résultat était donc plus satisfaisant qu’en 1865, où deux accidents survenus les 24 et 29 juin, avaient retardé de cinquante-six heures le moment où l’expédition était arrivée à mi-chemin entre la station d’Europe et celle de Terre-Neuve.

La confiance de l’équipage était complète ; une gaieté, facile à comprendre, régnait à bord. Les nouvelles d’Europe continuaient d’arriver avec une régularité admirable : nouvelles commerciales et nouvelles politiques, qui, dans ce moment, étaient remplies d’intérêt, et bien dignes d’obtenir les prémices du câble atlantique. Les employés du télégraphe du bord du Great-Eastern, et les stationnaires de Valentia, avaient donc toutes sortes de bonnes occasions de s’exercer au maniement des appareils.

À 11 heures un quart, M. Cyrus Field expédia une dépêche du Great-Eastern à Liverpool, en Angleterre ; et à 2 heures 12 minutes de l’après-midi, il avait reçu la réponse. L’échange de ces dépêches avait demandé trois heures à peine.

Le 21 juillet, l’expédition était à 1 763 kilomètres de Valentia, avec une profondeur d’eau de 3 292 mètres ; la longueur du câble filé était de 1 989 kilomètres. Le câble touchait ordinairement la surface de l’eau à une distance de 70 mètres du bord.

Le lendemain, dimanche, la pose continua avec le même succès. L’isolement du câble était parfait. Au départ de Sheerness, la résistance de la gutta-percha avait été trouvée de 800 millions d’unités Siemens par nœud ; elle s’était accrue jusqu’à 1 900 millions d’unités, grâce à la basse température du fond de la mer. Les employés du télégraphe du bord, déclaraient que, si tout allait aussi bien jusqu’à la fin, le câble pourrait transmettre sept ou huit mots par minute.

À midi, on se trouvait déjà à 1 992 kilomètres de Valentia, avec une profondeur d’eau de 3 550 mètres. Entre 6 et 7 heures, on passa sur la plus grande profondeur de la ligne actuelle, sans que la tension du câble dépassât les limites prévues.

Le 23 juillet, vers midi, M. Cyrus Field demanda en Irlande, les dernières nouvelles de la Chine et de l’Inde, afin de pouvoir les publier toutes fraîches en Amérique, lors de l’arrivée prochaine du Great-Eastern à Terre-Neuve. Au bout de huit minutes, il recevait la réponse : « Votre demande vient d’être expédiée à Londres. »

À midi, on était à 2 215 kilomètres de Valentia, à 874 kilomètres de Terre-Neuve ; la profondeur était de 3 750 mètres.

Le lendemain, 24, tout allait comme à l’ordinaire. Les seuls incidents de la journée étaient le déjeuner et le dîner. Le couvert était mis, chaque jour, pour cinq cents personnes. La pluie, qui tombait toujours, n’eut pas le pouvoir de diminuer la gaieté de l’équipage, qui ne demandait que deux ou trois jours encore d’une aussi heureuse monotonie.

À midi, la distance parcourue était de 2 445 kilomètres, et celle à parcourir de 648 kilomètres. La profondeur de l’eau était de 4 070 mètres : le câble avait donc une lieue à descendre avant de toucher le fond de la mer !

Le lendemain, mercredi, 25, brume épaisse et pluie abondante. C’était, d’ailleurs, le temps auquel on devait s’attendre en approchant des bancs de Terre-Neuve. Les navires ne se distinguaient pas les uns les autres dans la brume. Le canon et le sifflet des machines à vapeur, étaient les seuls moyens de communication.

Le 26, au point du jour, on pensait apercevoir bientôt une frégate américaine, qui devait être envoyée à la rencontre de l’expédition, afin de guider le Great-Eastern à la baie de la Trinité, à Terre-Neuve. Dans la crainte que la brume n’empêchât les na-