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Le 14 juin 1865, le chargement du Great-Eastern fut complété ; le 24 il quitta la Medway pour se rendre en Irlande, avec un chargement total de 21 350 tonnes. La direction de la pose fut confiée à M. Samuel Canning, ingénieur de la compagnie, et la machinerie à M. Clifford. MM. Varley et Thomson représentaient la compagnie du télégraphe. Ils devaient, sans intervenir dans l’exécution mécanique des travaux, veiller à ce que les conditions du traité fussent convenablement remplies.

Dans les deux bâtiments à voiles mis à la disposition de la compagnie par l’amirauté anglaise, on avait également disposé deux énormes cuves. Les navires durent subir à cet effet, des transformations importantes. Il fallut enlever le tillac, pour placer les cuves.

Les connaissances pratiques acquises lors des premières tentatives d’immersion, avaient conduit à modifier avec avantage la nouvelle machine de dévidement, que nous avons maintenant à décrire et que représente la fig. 152, d’après l’ouvrage de M. W. H. Russel, The atlantic Telegraph, publié à Londres en 1866.

En s’élevant au-dessus de la cale, au sortir de la cuve, le câble passait dans la rainure profonde d’une roue de fer, et filait, le long d’un auget plein d’eau, jusque sur le pont. Arrivé là, il s’engageait dans les gorges de six roues verticales successives, s’enroulait quatre fois autour d’un double tambour, qui n’était autre chose que deux roues plus larges et plus hautes que les six premières ; puis dans la gorge d’une dernière roue placée au-dessus et en dehors de l’extrême poupe, et tombait enfin à la mer. Quand il passait sur les six premières roues, le câble était pressé dans la gorge de ces roues par des galets, ou petites roues, que l’on pouvait charger de poids. Les tiges recourbées que l’on voit sur la figure 152, surmontant les roues, étaient destinées à recevoir des lampes, pour éclairer les ouvriers pendant le travail de la nuit. Un appareil spécial empêchait que les tours formés sur le tambour, ne vinssent à s’entrecroiser. La vitesse du tambour était réglée par deux freins ; celle des six roues placées en avant du tambour, par des freins particuliers. Le câble était constamment humecté d’eau, pendant son déroulement, à l’aide de pompes qui jouaient incessamment. Le dynamomètre était placé tout à fait à l’extrémité du navire. Une roue de gouvernail placée près du dynamomètre, permettait d’ouvrir et de fermer les freins du tambour avec une facilité extrême.

Cet appareil fonctionnait si doucement que, les freins étant levés, il suffisait d’une charge de 80 kilogrammes pour faire dévider le câble. M. Henry Clifford qui l’avait construit, l’avait en même temps beaucoup perfectionné.

En prévision de tous événements, un cordage de fer, long de 5 000 brasses (9 260m) portant des divisions par 100 brasses, était destiné à soutenir le câble, et à y fixer une bouée, si l’on était obligé, en le coupant, de le laisser filer au fond de la mer, pour attendre un temps meilleur. Enfin, une machine spéciale placée à l’avant du navire, devait servir à relever le câble en cas de rupture, ou si un défaut venait à s’y manifester.

Le Great-Eastern appareilla le 15 juillet 1865, dans l’après-midi, sous le commandement de M. Anderson, l’un des capitaines les plus expérimentés de la marine marchande britannique. Tout l’équipage, y compris les ingénieurs, les électriciens et les agents des entrepreneurs, formaient un total de 500 personnes.

Le 17, il rencontra le bâtiment à vapeur la Caroline, qui, chargé de 50 kilomètres de câble côtier, pesant 540 tonnes, ne pouvait avancer, et il le prit à la remorque. La mer devenant mauvaise et le vent violent, on put admirer les belles qualités du Great-Eastern, comme bateau à vapeur.

Le jour suivant, en approchant des côtes d’Irlande, le mauvais temps se maintint.