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miroir vient tomber la lumière d’une lampe, et le rayon lumineux se projette, au milieu d’une chambre entièrement obscure, sur un écran placé à quelque distance. C’est donc dans une chambre obscure que doit se tenir l’observateur ou l’employé télégraphique du câble atlantique pour lire les espèces d’éclairs que forme la réflexion de la pointe de l’aiguille. On comprend facilement que par ces moyens on amplifie, à volonté, les plus petits mouvements de l’aiguille, et que, grâce à cet artifice, on puisse faire usage, pour exécuter des signaux, de courants excessivement faibles, lesquels n’altèrent pas le câble, et ne produisent pas ces courants d’induction dont les effets furent si funestes au câble de 1858.

Telle est la série de perfectionnements qui furent apportés de 1858 à 1865, aux instruments électriques. Ils faisaient envisager avec confiance le résultat d’une nouvelle tentative.


CHAPITRE XIII

troisième tentative d’immersion du câble atlantique en 1865. — le great-eastern. — fabrication du nouveau câble. — départ du great-eastern. — rupture du câble le 15 août 1865.

Ainsi l’entreprise était loin d’être abandonnée. M. Perdonnet raconte que, parlant à M. Crampton, après l’échec de 1858, il lui demandait ce que feraient les ingénieurs anglais, si la tentative nouvelle qui se préparait venait à échouer.

— « Nous recommencerons, » répondit M. Crampton.

— « Et si vous échouez une troisième fois ? » demanda M. Perdonnet.

— « Nous recommencerons encore, répondit son interlocuteur ; nous recommencerons toujours jusqu’au succès définitif. »

Ces sentiments de confiance et de résolution étaient ceux de tous les ingénieurs anglais attachés à cette entreprise.

La guerre d’Amérique vint redoubler le désir d’établir une communication télégraphique entre les deux mondes. Bien que le câble transatlantique n’eût fonctionné que quelques jours à peine, il avait assez vécu pour démontrer son importance au point de vue financier. 400 messages avaient été envoyés[1]. Un, entre autres, parti de Londres le matin, et arrivé le même jour à Halifax, enjoignait au 62e régiment de ne pas revenir en Angleterre. Cet avis, parvenu à temps, évita au pays une dépense de 1 250 000 francs.

M. Cyrus Field, de son côté, ne laissait pas perdre de vue cette grande entreprise. Continuellement sur mer, il allait presser ses amis des deux côtés de l’Océan, à Londres et à New-York, de reprendre courageusement l’œuvre commune, jusqu’à son entier succès.

Mais l’échec que l’on venait d’éprouver décourageait une grande partie du public. N’était-ce pas une folie, disait-on, de se lancer dans une entreprise aussi longue, aussi coûteuse, et qui pouvait échouer pour mille causes : un défaut dans la fabrication du câble, un accident pendant la pose, une soudure mal faite, un relâchement de surveillance pendant la fabrication ou pendant le déroulement du fil ? Qui pouvait répondre que huit cents lieues, non interrompues, d’un conducteur télégraphique, pussent être fabriquées avec assez de soin pour ne pas présenter un seul point faible dans la bonté du métal, un seul défaut dans l’application de la matière isolante, une seule altération pendant sa conservation dans la manufacture, une seule éraillure pendant son transport à bord du navire, etc. ? Comment, d’un autre côté, se flatter de n’être assailli par aucune tempête, de n’être dérangé par aucune bourrasque, au sein de l’Atlantique, pendant les deux se-

  1. Dans les vingt-trois jours de transmission efficace » 271 télégrammes, comprenant 2 885 mots, avaient été expédiés de Terre-Neuve à Valentia, et 129 télégrammes, en tout 1 474 mots, de Valentia à Terre-Neuve, ce qui fait un total de 400 télégrammes, ou de 4 359 mots.