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Après être arrivé au cap Ray et avoir débarqué et relié la tête du câble à la station télégraphique, le Propontis chargé de cette opération fit route pour l’île du Cap-Breton, le 9 juillet 1856. Sa traversée du golfe Saint-Laurent fut très-heureuse, et s’effectua en quinze heures, sans le moindre accident ni temps d’arrêt. Le câble se déroulait avec la plus grande facilité, à raison de 8 à 9 kilomètres à l’heure. Pendant cette traversée, et tout en posant le câble, on envoyait constamment des messages à terre, et aussitôt après l’arrivée au cap Nord, une station télégraphique, érigée provisoirement sous une tente, permit d’inaugurer la complète communication entre l’île de Terre-Neuve et celle du cap Breton. Un second câble sous-marin de 23 kilomètres, jeté entre l’île du cap Breton et la Nouvelle-Écosse, dans le détroit de Northumberland, acheva d’établir la communication avec le territoire américain.

Ainsi la communication sous-marine entre l’île de Terre-Neuve et le continent américain était un fait accompli. Il fallait maintenant songer à l’œuvre colossale du câble transatlantique.

Un physicien anglais d’une grande habileté, M. Whitehouse, consulté par M. Cyrus Field, donnait les assurances les plus encourageantes, et réfutait les objections de toutes sortes qui s’élevaient contre ce projet, si téméraire en apparence.

L’entreprise semblait, en effet, présenter des obstacles insurmontables. En admettant que l’on pût rencontrer, sur le bassin de l’Atlantique, un trajet où la profondeur de l’eau ne fût pas trop considérable pour recevoir le câble, comment trouver un temps assez calme, une mer assez paisible, un conducteur assez long, des moyens de transport assez puissants, pour l’établissement d’une telle ligne ? Et, ces obstacles aplanis, pouvait-on espérer que l’électricité dégagée par une pile voltaïque aurait assez de puissance pour s’élancer, sans interruption, d’une extrémité à l’autre de cet immense trajet ? Beaucoup de savants n’hésitaient pas à répondre négativement sur ces questions, particulièrement en ce qui concerne le dernier point, c’est-à-dire la possibilité de faire traverser à l’électricité, sans déperdition du fluide, l’espace entier de l’Océan. Telle était, par exemple, l’opinion de l’un de nos physiciens éminents, M. Babinet.

Cependant l’industrie anglaise et l’industrie américaine, à tort ou à raison, tiennent ordinairement peu de compte des appréhensions exprimées par les savants. Grâce aux sondages opérés en 1853 par le commandant Maury, on connaissait la profondeur de l’Océan entre l’Irlande et l’île de Terre-Neuve. On savait qu’il existait sur une partie du trajet un fond peu accidenté, qui reçut plus tard de M. Maury le nom de plateau télégraphique, et qui semble avoir été disposé par la nature pour donner asile à un fil sous-marin. En effet, sa profondeur n’est pas assez grande pour opposer des difficultés sérieuses à la pose du fil, et elle suffit pour empêcher que les montagnes de glace qui se détachent quelquefois du pôle, ou les courants sous-marins, ne viennent déranger le câble une fois posé. On avait constaté, en outre, que les débris terreux, ramenés par la sonde, se composaient de coquillages fort délicats dans un si parfait état de conservation qu’il était évident que nul courant n’existait dans ces basses régions, de telle sorte que le fil conducteur, immergé sur ce fond tranquille, y demeurerait à l’abri de tout accident.

M. Cyrus Field désirait faire vérifier les sondages faits en 1853 par M. Maury, sur le trajet de la future ligne sous-marine. À sa demande, le gouvernement américain confia cette nouvelle exploration au lieutenant Berrymann.

Cet officier, dont les explorations furent terminées en juillet 1856, trouva que la profondeur moyenne de l’Océan, sur tout le parcours de l’Irlande à Terre-Neuve, varie de